Personnes obèses s’abstenir
Une candidate à la formation de préposée en CHSLD refusée en raison de son indice de masse corporelle
Les candidatures des personnes jugées obèses ont systématiquement été rejetées dans le cadre du programme de formation rémunéré des préposés aux bénéficiaires qui doit débuter lundi.
Au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, quatre candidats ont été exclus parce que leur indice de masse corporelle (IMC) est égal ou supérieur à 40, a confirmé le porte-parole Jean-Nicolas Aubé.
C’est le cas de Melina Dubois Sorgente. La jeune femme de 20 ans s’était inscrite à la formation accélérée de préposé aux bénéficiaires dès qu’elle a été offerte. « Je n’y vais vraiment pas juste pour le salaire, dit la mère d’une petite fille de 1 an 1/2. Je me suis occupée de mon grandpère. J’ai été aidante naturelle. »
Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, elle a commencé un DEP d’assistance à la personne à domicile, programme qu’elle a finalement dû abandonner.
Melina Dubois Sorgente pèse 200 livres (91 kg) et mesure 4 pieds 11 pouces (1,5 m). Son IMC est de 40,4. « La dame du CIUSSS CentreSud-de-l’Île-de-Montréal m’a dit que la limite était de 40. Elle m’a dit que j’étais à risque pour la COVID-19. »
« Le CIUSSS a rejeté ma candidature en raison de mon IMC [indice de masse corporelle] ! dit-elle. Je suis estomaquée. » La jeune femme, qui travaille dans un centre d’appels, juge ce refus « limite discriminatoire ». Son dossier avait été accepté par un centre de formation, dit-elle. C’est toutefois le CIUSSS qui a le dernier mot.
Au CIUSSS, on explique que l’obésité morbide, au même titre que le diabète ou d’autres problèmes de santé, met les travailleurs plus à risque de contracter la COVID-19.
« Lorsque nous les refusons, nous leur expliquons que nous ne pouvons garantir le respect des recommandations de l’INSPQ et également protéger leur santé/sécurité au travail », a précisé le porte-parole qui mentionne aussi que c’est un travail « très physique ».
Les recommandations de l’INSPQ
Le CIUSSS du Centre-Sud a reçu 2435 candidatures pour les 936 places en formation qu’il avait à offrir.
Pour participer au programme, les candidats avaient jusqu’à vendredi le 5 juin pour s’inscrire dans un centre de formation professionnelle. Une fois cette étape franchie, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) les contactait pour une première entrevue téléphonique.
Ensuite, on leur soumettait un questionnaire sur leur état de santé basé sur un document de l’Institut national de santé publique (INSPQ), les « Recommandations intérimaires pour la protection des travailleurs avec maladies chroniques ».
Dans ce document, on recommande que les travailleurs souffrant de maladies chroniques non contrôlées, de pathologies associées à des problèmes respiratoires ou d’une obésité « importante (à titre indicatif, IMC égal ou supérieur à 40) » soient exposés le moins possible aux patients ayant contracté la COVID-19.
Cette directive a-t-elle été imposée de la même façon partout ? Le ministère de la Santé n’était pas en mesure de le dire vendredi, l’embauche relevant des CIUSSS et non pas du ministère.
Du côté des syndicats qui représentent les préposés aux bénéficiaires, on trouvait la situation pour le moins paradoxale vendredi. « Nous avons de sérieux problèmes depuis le début de l’urgence sanitaire pour retirer du personnel avec des conditions vraiment aggravantes », a fait valoir Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN). « Si la personne refusée a toutes les qualités nécessaires pour faire le travail et qu’elle est refusée sur la seule base d’un surpoids, il paraît évident que l’agissement de l’employeur est contestable, surtout en tenant compte de ses actions depuis le début de la pandémie. »
Quant à Melina Dubois Sorgente, elle aurait aimé qu’on lui laisse sa chance. Avec seulement deux livres de moins, elle aurait été éligible. « Je peux perdre du poids d’ici la mi-septembre, dit-elle. J’ai eu un enfant il y a un an et demi. Je suis habituée de travailler sur mes pieds et j’ai pas de misère à monter les escaliers. » Elle soutient qu’elle ne fait pas de diabète et qu’elle a déjà occupé un emploi de caissière (en station debout) et de vendeuse dans un magasin de grande surface.
Lancé à la fin mai par le gouvernement Legault, le nouveau programme vise à embaucher 10 000 nouveaux préposés aux bénéficiaires en leur offrant une formation rémunérée à 21 $ l’heure et un emploi garanti de 49 000 $ par an à partir de l’automne. Plus de 70 000 personnes ont soumis leur candidature.