Le Devoir

Personnes obèses s’abstenir

Une candidate à la formation de préposée en CHSLD refusée en raison de son indice de masse corporelle

- MARIE-EVE COUSINEAU ISABELLE PORTER

Les candidatur­es des personnes jugées obèses ont systématiq­uement été rejetées dans le cadre du programme de formation rémunéré des préposés aux bénéficiai­res qui doit débuter lundi.

Au Centre intégré universita­ire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, quatre candidats ont été exclus parce que leur indice de masse corporelle (IMC) est égal ou supérieur à 40, a confirmé le porte-parole Jean-Nicolas Aubé.

C’est le cas de Melina Dubois Sorgente. La jeune femme de 20 ans s’était inscrite à la formation accélérée de préposé aux bénéficiai­res dès qu’elle a été offerte. « Je n’y vais vraiment pas juste pour le salaire, dit la mère d’une petite fille de 1 an 1/2. Je me suis occupée de mon grandpère. J’ai été aidante naturelle. »

Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaire­s, elle a commencé un DEP d’assistance à la personne à domicile, programme qu’elle a finalement dû abandonner.

Melina Dubois Sorgente pèse 200 livres (91 kg) et mesure 4 pieds 11 pouces (1,5 m). Son IMC est de 40,4. « La dame du CIUSSS CentreSud-de-l’Île-de-Montréal m’a dit que la limite était de 40. Elle m’a dit que j’étais à risque pour la COVID-19. »

« Le CIUSSS a rejeté ma candidatur­e en raison de mon IMC [indice de masse corporelle] ! dit-elle. Je suis estomaquée. » La jeune femme, qui travaille dans un centre d’appels, juge ce refus « limite discrimina­toire ». Son dossier avait été accepté par un centre de formation, dit-elle. C’est toutefois le CIUSSS qui a le dernier mot.

Au CIUSSS, on explique que l’obésité morbide, au même titre que le diabète ou d’autres problèmes de santé, met les travailleu­rs plus à risque de contracter la COVID-19.

« Lorsque nous les refusons, nous leur expliquons que nous ne pouvons garantir le respect des recommanda­tions de l’INSPQ et également protéger leur santé/sécurité au travail », a précisé le porte-parole qui mentionne aussi que c’est un travail « très physique ».

Les recommanda­tions de l’INSPQ

Le CIUSSS du Centre-Sud a reçu 2435 candidatur­es pour les 936 places en formation qu’il avait à offrir.

Pour participer au programme, les candidats avaient jusqu’à vendredi le 5 juin pour s’inscrire dans un centre de formation profession­nelle. Une fois cette étape franchie, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) les contactait pour une première entrevue téléphoniq­ue.

Ensuite, on leur soumettait un questionna­ire sur leur état de santé basé sur un document de l’Institut national de santé publique (INSPQ), les « Recommanda­tions intérimair­es pour la protection des travailleu­rs avec maladies chroniques ».

Dans ce document, on recommande que les travailleu­rs souffrant de maladies chroniques non contrôlées, de pathologie­s associées à des problèmes respiratoi­res ou d’une obésité « importante (à titre indicatif, IMC égal ou supérieur à 40) » soient exposés le moins possible aux patients ayant contracté la COVID-19.

Cette directive a-t-elle été imposée de la même façon partout ? Le ministère de la Santé n’était pas en mesure de le dire vendredi, l’embauche relevant des CIUSSS et non pas du ministère.

Du côté des syndicats qui représente­nt les préposés aux bénéficiai­res, on trouvait la situation pour le moins paradoxale vendredi. « Nous avons de sérieux problèmes depuis le début de l’urgence sanitaire pour retirer du personnel avec des conditions vraiment aggravante­s », a fait valoir Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN). « Si la personne refusée a toutes les qualités nécessaire­s pour faire le travail et qu’elle est refusée sur la seule base d’un surpoids, il paraît évident que l’agissement de l’employeur est contestabl­e, surtout en tenant compte de ses actions depuis le début de la pandémie. »

Quant à Melina Dubois Sorgente, elle aurait aimé qu’on lui laisse sa chance. Avec seulement deux livres de moins, elle aurait été éligible. « Je peux perdre du poids d’ici la mi-septembre, dit-elle. J’ai eu un enfant il y a un an et demi. Je suis habituée de travailler sur mes pieds et j’ai pas de misère à monter les escaliers. » Elle soutient qu’elle ne fait pas de diabète et qu’elle a déjà occupé un emploi de caissière (en station debout) et de vendeuse dans un magasin de grande surface.

Lancé à la fin mai par le gouverneme­nt Legault, le nouveau programme vise à embaucher 10 000 nouveaux préposés aux bénéficiai­res en leur offrant une formation rémunérée à 21 $ l’heure et un emploi garanti de 49 000 $ par an à partir de l’automne. Plus de 70 000 personnes ont soumis leur candidatur­e.

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Melina Dubois Sorgente aurait bien aimé avoir la chance de suivre la formation de préposée en CHSLD.

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