Le Devoir

La CAQ perd une bataille politique

L’étude du projet de loi 61 sur la relance économique est remise à l’automne

- CAROLINE PLANTE

Le gouverneme­nt Legault n’aura pas réussi à faire adopter son projet de loi 61 sur les infrastruc­tures avant la pause estivale, malgré une grande opération de relations publiques lancée vendredi.

Les partis d’opposition ont refusé de débattre du principe du projet de loi et renvoyé le gouverneme­nt « refaire ses devoirs » durant l’été.

« Ils doivent […] travailler cette foisci sans être des brouillons », a lancé en Chambre le leader parlementa­ire du Parti libéral, Marc Tanguay, tandis que son parti se faisait accuser d’avoir « peur du changement ».

Le projet de loi 61 vise à accélérer la mise en chantier de 202 projets d’infrastruc­tures. L’opposition y voit une façon pour le gouverneme­nt de se doter de pouvoirs démesurés et de contourner les règles de saine gestion.

Le gouverneme­nt tenait absolument à franchir l’étape de l’adoption de principe vendredi, afin de pouvoir procéder à l’adoption finale du projet de loi la semaine prochaine.

Il avait besoin de l’appui unanime des partis, puisqu’il a choisi de présenter son projet de loi après la date butoir du 15 mai et complèteme­nt exclu le recours au bâillon.

Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a dit s’attendre à ce que le gouverneme­nt revienne en Chambre le 15 septembre avec un projet de loi amélioré.

Celui-ci devra permettre de relancer l’économie « dans le respect de l’environnem­ent et des contre-pouvoirs » et s’assurer « qu’il n’y aura pas un seul dollar de fonds publics qui va s’en aller en corruption et en collusion ».

Cinq ministres déployés

Le gouverneme­nt subit donc un dur revers, alors qu’il avait pourtant fait des concession­s et lancé une grande opération charme pour sortir de l’impasse son projet de loi 61.

Cinq ministres, dont l’ex-procureure de la commission Charbonnea­u et ministre de la Justice Sonia LeBel, s’étaient présentés sur la place publique vendredi matin pour « rassurer » les Québécois.

Le gouverneme­nt, ont-ils dit, veut construire plus vite, certes, mais il n’est pas question d’éliminer les garde-fous. « Soyez assurés que ça va se faire dans les règles de l’art », a insisté Mme LeBel.

Québec souhaitait entre autres pouvoir accorder des contrats de gré à gré et exproprier des propriétai­res, sans que ceux-ci puissent contester leur expropriat­ion. Plusieurs groupes, dont le Comité public de suivi des recommanda­tions de la commission Charbonnea­u, ont soutenu cette semaine que le projet de loi créait un climat favorable à la collusion et à la corruption.

Legault sur Facebook

Plus tôt dans la journée, le premier ministre Legault avait sollicité sur Facebook l’appui des Québécois pour faire pression sur l’opposition.

« Bonjour tout le monde, avait-il commencé. Je vous écris de bon matin parce que j’ai besoin de votre appui.

« Dans les prochaines heures, les partis d’opposition devront décider si oui ou non, ils veulent nous aider à relancer l’économie québécoise et construire plus rapidement les écoles, les hôpitaux, les projets de transport en commun et à réparer nos routes maganées. »

Le gouverneme­nt veut aussi accélérer la rénovation des CHSLD et des maisons des aînés, a souligné M. Legault. Ces projets ne sont pas du « luxe », a-t-il argué.

Il a dit comprendre les inquiétude­s des partis d’opposition, mais a rappelé que son gouverneme­nt avait déposé plusieurs amendement­s.

Par exemple, l’état d’urgence sanitaire ne serait plus prolongé indéfinime­nt, mais jusqu’au 1er octobre 2020 seulement, a-t-il illustré.

Le premier ministre pouvait compter sur des appuis de taille : les villes ont élevé leurs voix dès jeudi soir pour demander aux députés de rapidement trouver un terrain d’entente en vue de l’adoption du projet de loi 61.

L’Union des municipali­tés du Québec a fait valoir que la relance économique doit passer par la simplifica­tion, l’allègement et la réduction dans les délais des projets d’infrastruc­tures et que le temps est compté.

Vendredi, c’était au tour de l’Associatio­n de la constructi­on du Québec, de la Fédération des chambres de commerce du Québec et du Conseil du patronat de livrer sensibleme­nt le même message aux députés.

Scindez le projet de loi, dit le PLQ

En point de presse, le porte-parole libéral pour le Conseil du trésor, Gaétan Barrette, a déclaré que son parti était prêt à appuyer une partie du projet de loi. Il s’agit essentiell­ement d’articles qui concernent la restaurati­on, la suspension des évictions commercial­es et le versement plus rapide par l’État de paiements aux entreprene­urs.

M. Barrette a exhorté le gouverneme­nt à scinder la pièce législativ­e afin de retirer ces éléments « purement économique­s » qui peuvent être adoptés très rapidement, selon lui.

Le Parti québécois (PQ) était également prêt à adopter les articles consensuel­s du projet de loi, a indiqué son leader parlementa­ire, Martin Ouellet.

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Des manifestan­ts ont fait une chaîne humaine au parc du Mont-Royal, à Montréal, vendredi aprèsmidi, pour marquer leur opposition au projet de loi 61.

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