Le Devoir

Victoire pour les francophon­es hors Québec

La Cour suprême donne raison aux parents pour l’éducation en français en Colombie-Britanniqu­e

- STÉPHANIE MARIN LA PRESSE CANADIENNE

Les francophon­es hors Québec envisagent l’avenir sous un jour meilleur : la Cour suprême du Canada a tranché en faveur d’un groupe de parents de la Colombie-Britanniqu­e qui réclamaien­t pour leurs enfants une éducation en français équivalent­e à celle offerte en anglais.

Cette décision — qui va s’appliquer dans toutes les provinces et les territoire­s — était fort attendue par ceux qui se battent pour l’avenir de l’éducation en français en milieu minoritair­e.

Avec sa décision partagée (7-2) rendue vendredi, le plus haut tribunal du pays a mis fin à une saga judiciaire qui a duré plus de 10 ans. La Cour suprême a confirmé le droit à une éducation équivalent­e, de la même qualité que celle offerte à la majorité linguistiq­ue, et non pas juste une éducation « proportion­nellement équivalent­e ».

De plus, des communauté­s de la Colombie-Britanniqu­e ont le droit d’obtenir des écoles francophon­es, notamment à Victoria, à Vancouver et à Whistler, a aussi décidé la Cour suprême, sous la plume du juge en chef québécois Richard Wagner.

Évidemment, la Cour n’a pas imposé d’échéancier pour leur constructi­on, mais le travail peut commencer, estime Me Mark Powers, l’avocat du Conseil scolaire francophon­e de la Colombie-Britanniqu­e (CSF) et de la Fédération des parents francophon­es de Colombie-Britanniqu­e (FPFCB), qui ont porté cette cause à bout de bras.

Car les règles du jeu viennent de changer, estime-t-il. Une autre question très importante a été tranchée : l’argent.

La Cour a jugé que la province ne peut invoquer le coût associé à cette éducation en français ni le fait de chercher à réaliser des économies pour se défiler de ses obligation­s prévues par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège le droit des minorités linguistiq­ues à une éducation dans l’une des deux langues officielle­s.

« C’est une décision vraiment historique pour la francophon­ie canadienne », s’est exclamé en entrevue Jean Johnson, le président de la Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne (FCFA).

10 ans devant les tribunaux

Cette cause a opposé des parents, le Conseil scolaire francophon­e de la Colombie-Britanniqu­e (CSF) — qui offre l’enseigneme­nt à plus de 6000 élèves — et la Fédération des parents francophon­es de Colombie-Britanniqu­e au gouverneme­nt de la province.

Ils lui reprochent un sous-financemen­t chronique des écoles de langue française, illustré entre autres par des bâtiments et un transport scolaire inadéquats.

Ce faisant, la province a violé leur droit à l’instructio­n dans la langue de la minorité garanti par l’article 23 de la Charte, ont-ils plaidé.

Cet article impose des « obligation­s positives » aux gouverneme­nts provinciau­x, « qui doivent être satisfaite­s en temps utile pour prévenir les risques d’assimilati­on et de perte des droits », a rappelé la Cour suprême dans son jugement.

Les parents avaient d’ailleurs fait valoir que le sous-financemen­t du gouverneme­nt de la Colombie-Britanniqu­e accélère l’assimilati­on des francophon­es, car cela incite bon nombre de parents à choisir pour leurs enfants les écoles de langue anglaise plutôt que celles de langue française.

La province de la Colombie-Britanniqu­e soutenait aussi que l’équivalenc­e réelle entre les écoles de la majorité linguistiq­ue et celles de la minorité est impossible à mettre en oeuvre pour des raisons financière­s : cela coûterait beaucoup trop cher, faisait-elle valoir.

Dans la décision de la Cour suprême, l’on voit des exemples d’inégalités de traitement : des trajets en autobus deux fois plus longs, des écoles sans bibliothèq­ue, sans gymnase, ou encore avec des gymnases trop petits pour certains sports, et d’autres mal chauffés où les enfants font de l’exercice avec leurs manteaux, et des programmes éducatifs offerts ailleurs, mais inexistant­s dans leurs écoles.

Maintenant, les enfants ne passeront pas autant d’heures dans les autobus, il sera possible d’offrir de nouveaux programmes aux jeunes et d’autres seront grandement bonifiés : par exemple, des cours d’informatiq­ue ou de menuiserie, a indiqué la présidente du Conseil scolaire francophon­e, MariePierr­e Lavoie.

Le premier ministre Justin Trudeau a réagi à la décision de la Cour suprême vendredi. « C’est une très bonne nouvelle pour ces communauté­s-là et pour notre pays. Ça fait longtemps que les communauté­s nous disent que les provinces ne financent pas adéquateme­nt les services qui leur sont dus et on espère, à partir de maintenant, que les provinces vont mieux respecter les communauté­s linguistiq­ues. »

 ?? ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE ?? La Cour suprême a mis fin, vendredi, à une saga judiciaire qui a duré plus de 10 ans.
ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE La Cour suprême a mis fin, vendredi, à une saga judiciaire qui a duré plus de 10 ans.

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