Les Canadiens tiennent le coup malgré leur endettement
Les Canadiens devraient continuer à tenir financièrement le coup face à la pandémie de coronavirus, à condition, toutefois, de pouvoir se prévaloir de toute l’aide promise et que la reprise économique ne se fasse pas trop attendre.
Le niveau d’endettement des ménages et leur capacité à faire face à leurs obligations financières en cas de choc économique sont considérés, depuis des années, comme l’une des principales vulnérabilités du système financier au Canada.
Au moment où l’incidence économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement des gouvernements a commencé à se faire sentir, la dette des ménages canadiens était de 1,77 $ pour chaque dollar de revenu disponible, a rapporté vendredi Statistique Canada dans son portrait de la situation pour le premier trimestre se terminant le 31 mars. Inférieure à son sommet de 1,79 $ atteint trois ans auparavant, cette moyenne cache généralement un niveau d’endettement plus lourd des ménages aux revenus plus modestes et reste relativement élevée en comparaison à ce qu’elle était à pareille date il y a 10 ans (1,57 $) ou encore en 1990 (87 ¢).
En dépit du nombre grandissant de travailleurs condamnés au chômage technique, les paiements obligatoires moyens que commandaient ces prêts hypothécaires, marges de crédit, prêts auto ou dettes de cartes de crédit ont, quant à eux, malgré tout légèrement diminué de 14,81 % à 14,67 % du revenu disponible des ménages. Cette anomalie s’explique par l’aide financière d’urgence que commençaient à déployer les gouvernements parallèlement, mais aussi par la baisse au plancher des taux d’intérêt de la Banque du Canada et la possibilité offerte aux ménages en difficulté de demander à leur institution financière un report des paiements sur certaines dettes.
Au même moment, rapporte toujours Statistique Canada, la dégradation rapide des perspectives économiques, et peutêtre aussi les mesures de confinement, ont incité les ménages à augmenter fortement leur taux d’épargne, de 3,6 % à 6,1 % de leur revenu disponible, à la faveur notamment d’une « baisse record » de leurs dépenses (-2,1 %). Cela ne suffisait évidemment pas pour compenser les pertes essuyées par leurs actions et fonds d’investissement (-15,5 %) avec la dégringolade des marchés boursiers qui ont, depuis, partiellement rebondi.
Délicate situation
Les Canadiens n’en sont pas moins dans une position financière précaire, observaient la semaine dernière des économistes de la Banque du Canada dans une note analytique. En moyenne, un ménage sur cinq ne dispose pas du coussin financier nécessaire pour faire face à ses obligations hypothécaires, alors que le tiers ne tiendrait pas quatre mois. La situation est pire encore pour les travailleurs des secteurs particulièrement touchés par la crise, notamment dans les métiers, le transport et la vente. Or, au dernier compte, plus du tiers des travailleurs canadiens étaient au chômage, avaient simplement renoncé à se chercher un emploi en raison de la crise, ou travaillaient moins de la moitié leurs heures habituelles.
Dans ce contexte, quels sont les risques de voir augmenter rapidement le nombre de Canadiens entraînés par le fond par le poids de leurs dettes ? Plusieurs d’entre eux pourront se tourner vers leurs marges de crédits souvent peu utilisées, mais cela ne peut être qu’une solution à court terme, observaient les experts de la Banque du Canada. Les programmes d’aide financière d’urgence qui arriveront bientôt à leur terme, et dont les gouvernements étudient les conditions d’une possible prolongation, permettent, tout au mieux, de payer les dépenses essentielles. Les reports de paiement offerts par les banques et censés durer 6 mois viennent donner aussi un coup de pouce supplémentaire.
Le pire
Sans un tel ensemble de mesures, la proportion de ménages obligés de rendre les clés de leurs maisons augmenterait rapidement pour dépasser le pic historique enregistré durant la récession du début des années 80, estiment nos experts. Ce scénario du pire semble toutefois en voie d’être évité bien qu’une certaine augmentation du taux d’arriérés de paiement sur les prêts hypothécaires soit à craindre au tournant vers la fin de l’année, ont-ils calculé en se basant sur l’hypothèse d’une reprise économique complète d’ici un an.
Si tout se passe bien, le Canada verra son économie essuyer un recul étourdissant de 8 %, cette année, suivi d’un modeste rebond de 3,9 %, l’an prochain, a averti, mercredi, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans la mise à jour de ses prévisions économiques. Mais si le malheur veut qu’on subisse une deuxième vague de la pandémie de coronavirus, la chute, cette année, pourrait être plutôt de 9,4 % et son rebond, en 2021, de seulement 1,5 %.