Des nouvelles du bayou
Ian Manook (tantôt Roy Braverman ou Patrick Manoukian) a le souffle long, c’est le moins que l’on puisse dire. Voilà qu’il met la touche finale à sa série de trois gros livres
(Hunter, Crow et, ici, Freeman) campée chez nos voisins du Sud avec une fracassante histoire tournant autour de la Big Easy.
Impossible de résumer ce récit touffu aux relents de bayou, d’huîtres frites et de recettes de cocktails sophistiqués. Tout y tient au fait que le parrain local de la mafia se fait cambrioler une somme de deux millions de dollars au moment même où un ouragan s’abat sur le bayou. Qui a eu cette audace ? C’est ce que le gangster luimême, le FBI qui s’apprêtait à intervenir et la police de La Nouvelle-Orléans aimeraient bien savoir.
C’est par le biais de deux improbables partenaires, Zach Beauregard et Doug Howard de la Criminelle qu’on en apprendra finalement le plus. Pourtant, Zach ne pense qu’à assurer les derniers moments de sa Molly, alors que Doug passe ses nuits à chercher son jeune frère disparu tout en fréquentant une survivante, Louise Freeman, que l’on a déjà rencontré en victime dans Hunter. Les deux flics travaillent sur une tout autre affaire ; celle d’un jeune noir mis à mort d’une atroce façon. Efficaces malgré leurs différends, ils parviendront à tirer au clair l’assassinat morbide du jeune homme… et beaucoup d’autres choses qui en découlent.
Malgré l’intérêt de toutes ces enquêtes entrelacées et le rythme presque insoutenable sur lequel elles nous sont racontées, malgré aussi une galerie de personnages absolument étonnants de vérité, l’intérêt premier de ce gros livre réside plutôt dans son écriture somptueuse qui sait rendre compte de la complexité des êtres comme des situations.
Tout cela vous laissera pantois. Soufflé. Comme le fait, d’entrée de jeu, la toute première scène de l’ouragan amorçant le récit et qui rappelle la description exceptionnelle que James Lee Burke avait donnée de Katrina dans La nuit
la plus longue (chez Rivages). Ian Manook est un écrivain majeur, qu’on se le dise ! Cette finale de sa trilogie nord-américaine est sans doute le meilleur de ses trois gros livres tissant des États-Unis une image à la fois déchirante et absolument troublante de vérité.