Le Devoir

Raison de plus de s’attaquer à l’évasion fiscale des entreprise­s

- ÉRIC DESROSIERS

La pandémie de coronaviru­s rend plus urgente que jamais l’imposition de nouvelles règles forçant les multinatio­nales à payer « leur juste part » d’impôt, estiment des économiste­s, à commencer par celles qui profitent le plus de la crise, comme les géants du Web.

La crise en cours plombera les revenus et fera exploser les dépenses des gouverneme­nts pour des mois, voire des années à venir, ont observé lundi des membres de la Commission indépendan­te pour la réforme de la fiscalité internatio­nale des sociétés au moment de dévoiler une quinzaine de recommanda­tions. Déjà, les dépenses publiques d’urgence dépassent les 9 000 milliards $US et l’on prédit un demi-milliard de pertes d’emplois, particuliè­rement chez les travailleu­rs les plus vulnérable­s des pays en développem­ent.

En attendant que les pays conviennen­t enfin d’une façon d’appliquer un taux d’impôt minimal sur les profits des multinatio­nales, les gouverneme­nts pourraient au moins commencer par instaurer une taxe sur les entreprise­s pharmaceut­iques ou numériques qui ont vu leur chiffre d’affaires et leur valeur en Bourse grossir avec la pandémie et les mesures de confinemen­t, a fait valoir l’un des membres de la Commission, le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, lors d’une conférence de presse virtuelle.

Cette idée, notamment, d’une taxe pour les Google, Amazon, Facebook et autres Netflix de ce monde « trouvait déjà un écho important [auprès de la population et de certains gouverneme­nts], mais devient aujourd’hui un impératif », a-t-il fait valoir.

« Cette idée que personne n’aura à payer l’addition laissée par la crise n’est pas crédible. L’Histoire a montré qu’on ne peut pas ignorer longtemps une importante dette publique et qu’il n’y a pas beaucoup de façons de le faire », a déclaré l’économiste français Thomas Piketty.

La meilleure façon, dit-il, serait de prélever un « impôt progressif » sur les profits des entreprise­s, avec des taux moins élevés pour les plus petites dans les secteurs hautement compétitif­s et des taux plus élevés pour les plus grandes, particuliè­rement celles en position de monopole ou d’oligopole.

Selon une estimation du Fonds monétaire internatio­nal citée par la Commission, les stratagème­s d’évitement fiscal déployés par les entreprise­s priveraien­t les pouvoirs publics de plus 500 milliards de revenus par année.

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