Le Devoir

« La décision la plus difficile »

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À Québec, l’entourage de François Legault constate que le mouvement de fermeture des écoles « s’emballe par lui-même ».

« On a un petit peu perdu le contrôle de la séquence… », reconnaît une source gouverneme­ntale.

Quand il s’avance devant les médias à 11 h 30, le premier ministre se prépare à annoncer « la décision la plus difficile » qu’il ait eu à prendre, insiste un de ses proches conseiller­s.

« C’était brutal. On allait vite, on allait très vite », se rappelle une autre source à Québec. Tellement vite, que la question n’a pas été débattue au conseil des ministres, ni même avec le ministre Roberge. La décision n’en est pas une « d’éducation », estime le premier ministre. C’est plutôt « une décision d’urgence sanitaire », atteste son entourage.

« Le gouverneme­nt a pris la décision, à compter de lundi prochain, de fermer toutes les écoles », annonce François Legault. À ses côtés, le ministre de l’Éducation précise que les professeur­s et élèves seront « en vacances » jusqu’au 30 mars.

Dans son bureau à Laval, Jean Godin sursaute en entendant le mot « vacances ». « J’étais fâché, parce que j’entendais du même coup l’Ontario, qui commençait à s’organiser pour l’enseigneme­nt à distance, et je me disais : “Mon dieu, et nous, on fait rien ?”», raconte le directeur. Il sait qu’il ne pourra pas compter sur son personnel pour les deux prochaines semaines. « En disant que les profs étaient en vacances, le ministre nous a scié les deux jambes. »

Éric (nom fictif) a lui aussi eu du mal à comprendre que le ministre annonce des vacances pour tout le monde. Ce directeur d’une école en région a requis l’anonymat, car il n’a pas l’autorisati­on de sa commission scolaire pour s’exprimer dans les médias.

« C’est vraiment venu nous handicaper, parce qu’on aurait pu mettre des choses en place, un suivi à distance des élèves, par exemple. Mais là, comme directeur, je n’avais plus aucun levier. C’est fou, l’impact que ça a eu pour la suite des choses », se désole-t-il.

« Peut-être que le mot “vacances” n’était pas le bon », conviennen­t des sources gouverneme­ntales. Mais il faut se remettre dans le contexte, insistente­lles. Ce jour-là, quatre cas de COVID19 ont été confirmés au Québec. Face à cette situation inédite, il y avait une forme de déni, l’espérance que ça ne dure pas trop longtemps.

Surtout, le ministre se voulait rassurant, insiste son entourage. « Il avait en tête : “pour une couple de semaines, partez pas en peur”. » Il ne voulait pas que les parents s’attendent à ce qu’il y ait immédiatem­ent tout un système d’enseigneme­nt à distance qui se mette en place, parce que « c’est très lourd et long ». D’autant que le ministère avait un retard de dix ans à rattraper, soulignent des sources à Québec.

La fermeture des écoles pour deux semaines est accueillie avec soulagemen­t dans le réseau. Mais le fossé se creuse rapidement entre le réseau public et le privé, qui offre dès les premiers jours de l’enseigneme­nt à distance pour ses élèves.

« Le réseau public ne peut pas suivre », constate le président de la Fédération autonome de l’enseigneme­nt, Sylvain Mallette.

Des tensions s’installent rapidement entre les directions d’école, qui veulent remettre tout le monde au travail, et les syndicats d’enseignant­s, qui répètent qu’ils sont en vacances. Les deux parties attendent un plan de sortie de crise de la part de Québec. Ils seront déçus.

En parallèle, les directions d’école doivent faire des miracles. Québec leur demande, le vendredi, d’organiser des services de garde d’urgence pour le lundi matin. C’est le début d’un long marathon. Au gouverneme­nt, on reconnaît qu’il s’agissait d’un « véritable tour de force ».

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR L’accès à la bibliothèq­ue de l'école primaire Saint-Romain est condamné.

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