Le Devoir

Le « no man’s land »

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Dans son bureau, Éric jongle encore avec mille et une questions. Il travaille comme un fou pour organiser les services de garde d’urgence et élaborer des protocoles pour un éventuel retour en classe. Il vit « énormément de stress », car il n’a pratiqueme­nt aucune informatio­n : le plan tant attendu n’arrive pas.

Il apprend à la télévision que la fermeture des écoles se prolonge jusqu’au 1er mai et que Québec enverra des trousses pédagogiqu­es non obligatoir­es aux élèves.

Les décideurs politiques sont confiants. À ce moment, ils croient vraiment que, le 1er mai, « on va être passés au travers [de la crise] », confie-ton en coulisse.

Pour Éric commence une longue période de tâtonnemen­ts qu’il qualifie de « no man’s land ». Il avance dans le brouillard. Sans plan précis de Québec, il fait ce qu’il peut, ce qui le force à faire et à défaire son travail plusieurs fois, pour s’ajuster aux consignes qui arrivent au compte-gouttes.

Pour les enseignant­s, l’organisati­on du travail « a été laissée énormément à chacun pendant plusieurs semaines », confirme Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt (FSE-CSQ).

Elle comprend que les enseignant­s doivent faire des suivis dans la mesure du possible et en tenant compte des réalités de chacun. Mais « des enseignant­s avaient leurs enfants à la maison, d’autres s’occupaient de leurs parents. Ils avaient d’autres choses à gérer que du scolaire », souligne-t-elle.

Dans les Laurentide­s, Pascal Fréchette, enseignant d’univers social à l’école secondaire Cap Jeunesse, voit sa messagerie se remplir avant même que le point de presse du premier ministre ne soit terminé. Les parents veulent savoir ce qui va se passer. « Je les comprends, j’étais aussi inquiet qu’eux. Mais je n’en savais pas plus. On apprenait les informatio­ns en même temps qu’eux, dans les points de presse quotidiens ! »

Il est loin de se sentir en « vacances ». Avec ses collègues, il se questionne sur la matière qu’il devra sacrifier lors d’un éventuel retour en classe et sur la pondératio­n. Il se doute bien qu’on se dirige vers l’enseigneme­nt à distance, mais il n’a aucune idée de la forme que cela prendra. Il se tourne vers sa direction, qui se tourne vers la commission scolaire, qui se tourne elle-même vers le ministère.

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Un élève de l’école primaire de l’Everest à Québec attend son tour pour accéder à l’école. À l’occasion du retour en classe, les parents faisaient la file en voiture pour déposer leurs enfants.

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