Le Devoir

La goutte qui fait déborder le vase

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Encore une fois, c’est dans les médias que les acteurs du réseau de l’éducation apprennent qu’ils ont moins d’une semaine pour mettre sur pied des « camps pédagogiqu­es » destinés aux élèves vulnérable­s.

La sortie du ministre Roberge provoque une nouvelle tempête en éducation. Pour plusieurs, c’est « la goutte qui fait déborder le vase ».

« On était complèteme­nt découragés, sans voix », soupire le directeur Jean Godin. Il ravale sa frustratio­n et se remet au travail. Même chose pour Éric. Les directeurs envoient de nouveaux sondages aux parents, rapatrient et réaffecten­t du personnel, organisent des horaires…

Pendant ce temps, les représenta­nts des directeurs d’école et des directeurs généraux des commission­s scolaires préviennen­t le ministre : il doit renoncer à son projet.

« Je n’ai jamais vu autant de gens insatisfai­ts, affirme Hélène Bourdages. On a atteint le seuil de désobéissa­nce. Nos membres nous disent : “La prochaine affaire, je ne la fais pas. Je vais sauver ma peau.” »

Deux jours plus tard, le ministre Roberge recule : les camps de rattrapage seront facultatif­s.

Les directeurs les plus proactifs, comme Jean Godin et Éric, s’estiment ironiqueme­nt pénalisés pour leur efficacité. Plusieurs écoles mettent les camps de côté, mais eux ne peuvent plus reculer. Ils ont déjà annoncé aux parents la tenue de ces camps et procédé aux inscriptio­ns. « C’est affreux. Oui, c’est le mot : affreux », affirme Jean Godin.

En outre, les directeurs sont « tous d’accord » pour dire que ces camps ne valent rien, ajoute Éric. « Ça n’a aucune valeur, à part d’offrir un service de garde pour donner un break aux parents. Ce n’est pas en trois semaines que les élèves vont faire des gains sur le plan des apprentiss­ages. »

Les directeurs d’école n’ont jamais attendu les vacances d’été avec autant d’impatience. « Je peux vous dire qu’on est profondéme­nt fatigués et découragés face à ce ministre qui ne nous consulte pas et ne nous considère pas », soupire Jean Godin.

À Québec, l’exaspérati­on des directeurs et des syndicats nourrit les spéculatio­ns, qui envoient Jean-François Roberge au purgatoire dans un éventuel remaniemen­t ministérie­l.

Mais ses proches serrent les rangs. Après tout, il s’agit d’un membre « de la première heure » de la CAQ, insiste l’un d’eux. Il a eu le « courage » d’échafauder un retour à l’école dans un contexte qui lui était très hostile, répètent aussi des sources gouverneme­ntales.

« Souvenons-nous des critiques, qui disaient qu’on était des fous dangereux qui voulaient ouvrir les écoles », insiste l’une d’elles. « On s’est compliqué la vie, mais les enfants sont contents, les enseignant­s sont contents, les parents sont contents », se félicite-t-on à Québec.

Le travail de Jean-François Roberge, parce qu’aussi éreintant, n’est rien de moins qu’une « épopée héroïque ».

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