Un projet national
Le premier ministre a annoncé la création d’un « groupe d’action » contre le racisme, présidé par la ministre des Relations internationales, Nadine Girault, et par le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, auxquels s’associent la ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours, et quatre autres élus caquistes. Comme il fallait s’y attendre, François Legault a refusé d’employer le terme de « racisme systémique ». Il a fait valoir qu’il existe plusieurs significations du mot systémique et qu’il y aurait deux « familles de pensées » au Québec. Il faut éviter de se diviser sur un mot, a-t-il avancé : mieux vaut se consacrer à définir des actions concrètes rapidement.
Selon le premier ministre, un « grand consensus » existe au Québec sur deux choses : la grande majorité des Québécois ne sont pas racistes et il y a du racisme au Québec et des personnes racistes. Ce n’est pas un consensus, c’est un lieu commun.
Il est clair que la posture du premier ministre est essentiellement politique. Qui peut nier qu’il existe de la discrimination systémique à l’emploi, dans l’accès au logement ou encore quand la police fait du profilage racial ? Cette discrimination organisationnelle, exercée dans les secteurs public et privé, est bien documentée et elle peut certes être perçue comme du racisme par les personnes qui en font les frais.
D’ailleurs, quand François Legault fut appelé à indiquer dans quels domaines il croyait que des actions devaient être impérativement entreprises, il a cité la discrimination en emploi. Quand Lionel Carmant fut appelé à faire de même, il a parlé de profilage racial.
Une posture politique, donc, pour un premier ministre qui ne veut pas « importer ce climat d’affrontement qu’on voit aux États-Unis » et qui craint que les militants antiracistes, ceux-là mêmes qui dénoncent le « racisme » de la Loi sur la laïcité, alimentent le ressentiment contre la population en général. « On ne fera pas le procès des Québécois », a-t-il laissé tomber.
Sans doute se souvient-il de la tentative du gouvernement Couillard de tenir une commission d’enquête sur le racisme systémique, mais qui avait dû se raviser pour ne tenir qu’un forum, dont les conclusions avaient complètement évacué l’enjeu de la discrimination.
Le groupe doit produire son rapport à l’automne. C’est très rapide pour un exercice de ce genre. « Les solutions sont connues », a dit Lionel Carmant avec une candeur désarmante. Est-ce bien le cas ? Permettons-nous d’en douter.
Le gouvernement devra d’ailleurs regarder dans sa propre cour. Comme employeur, l’État n’est pas exemplaire. Il existe bel et bien une Loi sur l’accès à l’égalité en loi des organismes publics, adoptée il y a 20 ans, et le moins qu’on puisse dire, comme le constate la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dans un rapport rendu public la semaine dernière, c’est qu’elle est inefficace. Depuis dix ans, aucune des cibles portant sur l’embauche d’Autochtones et des personnes issues de minorités n’a été atteinte. Espérons que les actions concrètes que promet le gouvernement Legault ne se résumeront pas à des intentions et à des mots creux.