Le Devoir

Un projet national

- ROBERT DUTRISAC

Le premier ministre a annoncé la création d’un « groupe d’action » contre le racisme, présidé par la ministre des Relations internatio­nales, Nadine Girault, et par le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, auxquels s’associent la ministre responsabl­e des Affaires autochtone­s, Sylvie D’Amours, et quatre autres élus caquistes. Comme il fallait s’y attendre, François Legault a refusé d’employer le terme de « racisme systémique ». Il a fait valoir qu’il existe plusieurs significat­ions du mot systémique et qu’il y aurait deux « familles de pensées » au Québec. Il faut éviter de se diviser sur un mot, a-t-il avancé : mieux vaut se consacrer à définir des actions concrètes rapidement.

Selon le premier ministre, un « grand consensus » existe au Québec sur deux choses : la grande majorité des Québécois ne sont pas racistes et il y a du racisme au Québec et des personnes racistes. Ce n’est pas un consensus, c’est un lieu commun.

Il est clair que la posture du premier ministre est essentiell­ement politique. Qui peut nier qu’il existe de la discrimina­tion systémique à l’emploi, dans l’accès au logement ou encore quand la police fait du profilage racial ? Cette discrimina­tion organisati­onnelle, exercée dans les secteurs public et privé, est bien documentée et elle peut certes être perçue comme du racisme par les personnes qui en font les frais.

D’ailleurs, quand François Legault fut appelé à indiquer dans quels domaines il croyait que des actions devaient être impérative­ment entreprise­s, il a cité la discrimina­tion en emploi. Quand Lionel Carmant fut appelé à faire de même, il a parlé de profilage racial.

Une posture politique, donc, pour un premier ministre qui ne veut pas « importer ce climat d’affronteme­nt qu’on voit aux États-Unis » et qui craint que les militants antiracist­es, ceux-là mêmes qui dénoncent le « racisme » de la Loi sur la laïcité, alimentent le ressentime­nt contre la population en général. « On ne fera pas le procès des Québécois », a-t-il laissé tomber.

Sans doute se souvient-il de la tentative du gouverneme­nt Couillard de tenir une commission d’enquête sur le racisme systémique, mais qui avait dû se raviser pour ne tenir qu’un forum, dont les conclusion­s avaient complèteme­nt évacué l’enjeu de la discrimina­tion.

Le groupe doit produire son rapport à l’automne. C’est très rapide pour un exercice de ce genre. « Les solutions sont connues », a dit Lionel Carmant avec une candeur désarmante. Est-ce bien le cas ? Permettons-nous d’en douter.

Le gouverneme­nt devra d’ailleurs regarder dans sa propre cour. Comme employeur, l’État n’est pas exemplaire. Il existe bel et bien une Loi sur l’accès à l’égalité en loi des organismes publics, adoptée il y a 20 ans, et le moins qu’on puisse dire, comme le constate la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dans un rapport rendu public la semaine dernière, c’est qu’elle est inefficace. Depuis dix ans, aucune des cibles portant sur l’embauche d’Autochtone­s et des personnes issues de minorités n’a été atteinte. Espérons que les actions concrètes que promet le gouverneme­nt Legault ne se résumeront pas à des intentions et à des mots creux.

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