Plante montre la voie
Pendant que le premier ministre François Legault refuse de reconnaître le caractère systémique du racisme, le véritable ministre de l’inclusion et de la diversité au Québec a pris ses responsabilités. « L’homme de la situation », Valérie Plante, a reconnu sans détour l’existence de la discrimination et du racisme systémiques, au lendemain de la publication d’un rapport accablant de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM). « L’heure des analyses et des études est passée », a dit la mairesse de Montréal, annonçant par la même occasion la création d’un poste de Commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination avec une obligation de résultat.
En conformité avec les recommandations de l’OCPM, la Ville de Montréal, berceau de la diversité au Québec, se dotera d’indicateurs, de données probantes et d’objectifs « clairs et mesurables » pour éliminer les disparités de traitement. Depuis la première déclaration contre la discrimination raciale, en 1989, Montréal a fait du surplace en ces matières en dépit des transformations du tissu démographique. Elle s’est consacrée davantage à l’intégration des personnes issues de l’immigration, un objectif louable, tout en négligeant la lutte contre le racisme et la discrimination, autant dans les services aux citoyens que la dotation de postes.
Plus du tiers de la population montréalaise s’identifie à une minorité visible ou à un groupe autochtone. Six Montréalais sur dix sont nés à l’étranger ou ont un parent né à l’étranger. Et pourtant, les personnes racisées comptent pour 19 % de l’effectif municipal. Chez les cadres ? Moins de 2 %.
Lors de ses travaux, l’OCPM a constaté un malaise ou un manque de volonté chez de nombreux fonctionnaires à recenser les groupes susceptibles de vivre des situations de racisme et de discrimination systémiques. Les représentants syndicaux ont étonnamment boudé la consultation, et le directeur du Service de police de la Ville de Montréal a joué sur les mots, en donnant l’impression de banaliser le problème de profilage racial au sein de ses troupes. Ce refus de l’autocritique fait partie du problème. Comment peut-on combattre un phénomène qu’on ne reconnaît pas ?
En regardant la réalité en face, la mairesse Plante rompt avec cette culture du déni qui provoque chez les personnes victimes de discrimination et de racisme systémiques « une invalidation de leur expérience et une incapacité à inscrire leur réalité dans la grande toile municipale », pour citer le rapport de l’OCPM.
Cette cohérence retrouvée n’a rien d’un crime de « lèse-nationalisme », pas plus qu’elle n’est l’expression d’un multiculturalisme effréné à l’Hôtel de Ville. Il faudrait cesser de croire que la reconnaissance de la discrimination et du racisme systémiques équivaut à faire « le procès des Québécois », une formulation détournée pour désigner la majorité blanche dans le discours du premier ministre. Les membres des groupes racisés n’agissent pas en opposition au projet d’affirmation nationale du Québec. Ils revendiquent juste l’équité de traitement, sans égard à la couleur de leur peau. C’est un objectif qui devrait nous rassembler au lieu de semer la division.