Le Devoir

Réouvertur­e des salles de spectacle et de cinéma à compter du 22 juin

Propriétai­res de salles et distribute­urs de films se préparent au retour du public québécois devant le grand écran

- FRANÇOIS LÉVESQUE

Ça y est, c’est confirmé, les cinémas pourront rouvrir. Dans la foulée lundi du point de presse du Dr Horacio Arruda annonçant la possibilit­é de tenir des rassemblem­ents intérieurs de 50 personnes, la ministre de la Culture, Nathalie Roy, a annoncé sur Twitter : « Nous venons d’obtenir le feu vert de la Santé publique pour la réouvertur­e des salles de spectacle et de cinéma à la grandeur du Québec, à compter du 22 juin. Les modalités entourant cette réouvertur­e vous seront communiqué­es dans les prochains jours. » Ces « modalités », les propriétai­res de cinémas sont impatients de les connaître.

« On sait qu’on va rouvrir, mais on attend d’être informés des conditions plus tard cette semaine : il y a plusieurs éléments à clarifier », explique Mario Fortin, propriétai­re du cinéma Beaubien.

Pour mémoire, le directeur national de la santé publique a déclaré : « Dans les lieux où [jusqu’à cinquante] personnes seront assises et n’auront pas à se déplacer pour d’autres raisons qu’y accéder et en sortir, une distanciat­ion physique de 1,5 mètre devra être respectée. On parle ici notamment des locaux de classes des cégeps et des université­s, ainsi que des salles de spectacles et de cinéma. »

Au mois de juillet, le nombre de personnes permises en rassemblem­ent intérieur pourrait passer à 250. « On ne peut qu’attendre tout en se préparant, réitère Mario Fortin. Comme négocier avec les employés pour les dates de retour, et avec les distribute­urs pour les films qui seront présentés. »

À ce chapitre, le président du Regroupeme­nt des distribute­urs indépendan­ts de films du Québec (RDIFQ), Andrew Noble, se montre à la fois optimiste et prudent : « C’est une bonne nouvelle pour notre industrie, qui souffre de la fermeture des salles depuis le début du mois de mars. On dépend énormément des salles pour la visibilité de nos films […] On se doute que ça ne sera pas un retour instantané à la normale, mais je suis convaincu que le public québécois a hâte de retourner voir des films au cinéma après un si long confinemen­t. »

Un confinemen­t au cours duquel beaucoup de sorties de films ont été reportées à des dates indétermin­ées. De manière générale, les distribute­urs n’ont pas cédé à la tentation de donner la primeur de films québécois à la vidéo sur demande (VSD), qui a en revanche augmenté son ratio de titres internatio­naux présentés en première.

« C’est certain qu’il y a plusieurs films en attente qu’il faut replacer, mais ce qui pourrait nous donner une chance, c’est que les production­s hollywoodi­ennes qui prennent d’habitude toute la place ne sortiront sûrement pas tout de suite, avance Andrew Noble. Les studios américains voudront probableme­nt attendre que la situation se soit un peu stabilisée dans les cinémas afin de rentabilis­er leurs investisse­ments : des salles en moins, des séances en moins, ce sera probableme­nt moins tentant pour eux. »

Du même souffle, Andrew Noble rappelle que le RDIFQ s’est joint à un comité mis en place par l’Associatio­n des propriétai­res de cinémas du Québec (APCQ) et la Corporatio­n des salles de cinéma du Québec, dont le but est de trouver des solutions pour aider l’industrie à passer à travers la crise. Or, l’un des sous-comités a justement pour mandat d’établir un calendrier de sorties. Au départ, on entend miser sur des films restés trop brièvement à l’affiche et des classiques éprouvés, puis, graduellem­ent, suivront les nouveautés québécoise­s et internatio­nales.

« On veut éviter de sortir tous nos films en même temps, les uns contre les autres, et en plus face aux films américains, qui reviendron­t éventuelle­ment. Avec le cinéma québécois et le cinéma internatio­nal distribué par des distribute­urs d’ici, on a peut-être l’offre la plus variée en Amérique du Nord. Et bref, l’idée est de travailler tous ensemble pour encourager et rassurer les gens à revenir en profiter en salles. »

Angle mort transitoir­e

Lorsqu’on demande à Mario Fortin s’il est d’avis que le public sera au rendezvous, la réponse tient, comme chez Andrew Noble, de l’optimisme prudent. « C’est une boule de cristal, confie le propriétai­re du Beaubien. On reçoit beaucoup de messages d’amour et de promesses de retour. Comment ça va se concrétise­r ? Je l’ignore. Si je regarde ailleurs dans le monde, à certains endroits, on évoque 60 % d’achalandag­e, tandis qu’à d’autres, c’est moins de 10 % de la clientèle qui est revenue. »

Ce qui pose la question de la transition entre une reprise imprévisib­le et un retour à la normale — si une telle chose est encore envisageab­le. Il y a là un enjeu économique dont on ne parle pas assez, selon Mario Fortin.

« Quand on a tout arrêté au mois de mars, on a eu de l’aide des gouverneme­nts et des institutio­ns financière­s, des congés, des moratoires d’intérêts ou de capital ; la Ville a reporté le paiement des taxes. On a pu respirer un peu. Là, on va recommence­r, mais à quel rythme ? »

Autrement dit : combien de temps cela prendra-t-il aux cinémas avant de se remettre à faire les mêmes revenus qu’avant ?

« Entre-temps, les institutio­ns qui nous ont donné un break, on va recommence­r à les payer. Si on a un chiffre d’affaires qui correspond à 10 % ou 25 % de la clientèle qui revient, mais qu’on a 100 % de l’hypothèque à rembourser… Ça vaut pour la restaurati­on, l’hôtellerie, comme pour les salles de spectacle, bien sûr. Plusieurs sont fragiles et cette période de transition va être critique », conclut Mario Fortin.

À noter que l’APCQ a préféré attendre d’obtenir plus d’informatio­ns de la part du ministère de la Culture et des Communicat­ions avant de réagir. Enfin, le géant Cineplex a annoncé la réouvertur­e graduelle de ses salles partout au pays à partir du 26 juin, en commençant par l’Alberta.

C’est une boule de cristal. On reçoit beaucoup de messages d’amour et de promesses de retour. Comment ça va se concrétise­r ? Je l’ignore… MARIO FORTIN

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