Le Devoir

Une grande victoire pour les LGBTQ aux États-Unis

La Cour suprême américaine leur accorde le bénéfice des mécanismes de lutte contre les discrimina­tions au travail

- CHARLOTTE PLANTIVE À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE Avec Francesco Fontemaggi à Washington

La Cour suprême des États-Unis a accordé lundi une victoire de taille à des millions de salariés homosexuel­s et transgenre­s en leur accordant le bénéfice des mécanismes de lutte contre les discrimina­tions au travail, malgré l’opposition du gouverneme­nt de Donald Trump.

« Aujourd’hui, nous devons décider si un employeur peut licencier quelqu’un juste parce qu’il est homosexuel ou transgenre. La réponse est claire », la loi « l’interdit », a estimé la Cour dans un arrêt pris à une majorité de six juges sur neuf.

Une loi fédérale a banni en 1964 les discrimina­tions « en raison du sexe », mais la majorité des tribunaux, ainsi que le gouverneme­nt du président républicai­n, considérai­ent qu’elle ne s’appliquait qu’aux différence­s hommes-femmes et non aux minorités sexuelles.

Seule une vingtaine d’États ayant adopté des mécanismes de protection spécifique­s, les employés américains pouvaient jusqu’ici être licenciés ou se voir refuser une promotion en raison de leur orientatio­n sexuelle dans plus de la moitié des États-Unis.

Les défenseurs des salariés homosexuel­s ou transgenre­s, soutenus par de nombreux élus démocrates et plusieurs grandes entreprise­s, dont Apple, General Motors ou Walt Disney, demandaien­t à la Cour d’écrire noir sur blanc qu’ils étaient protégés par la loi de 1964.

Ouvertemen­t homosexuel, le p.-d.g. d’Apple, Tim Cook, s’est félicité de cette décision. Elle représente « une énorme victoire pour l’égalité » après des « décennies » de lutte, a aussi commenté James Esseks, un des responsabl­es de la puissante associatio­n de défense des droits ACLU.

« C’est un pas en avant considérab­le » pour l’Amérique, a renchéri le candidat démocrate à la présidenti­elle du 3 novembre, Joe Biden. Jusqu’ici, les personnes homosexuel­les « pouvaient se marier un jour et être virées le lendemain », a-t-il rappelé.

« Limites de l’imaginatio­n »

En 2015, la plus haute Cour des ÉtatsUnis a étendu le droit au mariage aux personnes de même sexe, mais les défenseurs des minorités sexuelles craignaien­t que les deux juges nommés par Donald Trump depuis son élection ne l’aient rendue plus conservatr­ice.

C’est pourtant l’un d’eux, Neil Gorsuch, qui a rédigé la décision majoritair­e, joignant sa voix à celle des quatre juges progressis­tes et au chef de la Cour, John Roberts. Les auteurs de la loi de 1964 « n’avaient sans doute pas anticipé que leur travail mènerait à cette conclusion », a-t-il écrit. « Mais les limites de leur imaginatio­n ne sont pas une raison pour ignorer les exigences de la loi », a poursuivi ce magistrat très attaché à la lettre des textes.

Quant à Brett Kavanaugh, lui aussi choisi par Donald Trump pour ses vues conservatr­ices, il s’est opposé à cette décision, estimant qu’il revenait au

Congrès et non à la justice de faire évoluer la loi. Malgré ces objections, « il est important de saluer cette victoire importante pour les gais et lesbiennes américains », a-t-il toutefois souligné. Ils « peuvent être fiers du résultat ».

De fait, les minorités sexuelles, et leurs soutiens dans les milieux politiques et artistique­s, ont manifesté leur joie. À l’inverse, les défenseurs des libertés religieuse­s, comme le groupe Alliance Defending Freedom, ont dénoncé une « décision choquante » qui, selon eux, empiète sur les conviction­s des employeurs — l’un des motifs avancés pour justifier les licencieme­nts de salariés homosexuel­s.

Concrèteme­nt, la Cour s’est prononcée dans trois dossiers distincts.

Deux portaient sur des salariés homosexuel­s : un moniteur de parachute, Donald Zarda, et un travailleu­r social, Gerald Bostock, qui avaient saisi la justice après avoir été licenciés en raison de leur orientatio­n sexuelle. Illustrant la confusion juridique qui régnait jusqu’ici, les tribunaux avaient donné raison au premier et tort au second.

Pour la première fois de son histoire, la Cour avait également examiné le dossier d’une personne transgenre, Aimee Stephens. Après avoir travaillé comme homme pendant six ans dans un funérarium de Detroit, au Michigan, elle avait annoncé à son employeur qu’elle comptait assumer son identité de femme. Celui-ci l’avait alors remerciée au nom de ses valeurs chrétienne­s.

C’est un pas en avant considérab­le »

pour l’Amérique JOE BIDEN

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SAUL LOEB AGENCE FRANCE-PRESSE Une manifestat­ion à Washington, en 2019, pour le respect des droits des travailleu­rs homosexuel­s et transgenre­s, auxquels s’oppose le gouverneme­nt de Donald Trump

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