Le Devoir

Pas tout à fait déconfinée, la terrasse

Pendant que certains arrondisse­ments assoupliss­ent les règles, d’autres les multiplien­t, alimentant insécurité et confusion

- CORONAVIRU­S LAURENCE MICHÈLE DUFOUR COLLABORAT­RICE

Le tourbillon bureaucrat­ique engendré par la crise actuelle ne semble pas vouloir se tarir. Les décrets du gouverneme­nt sont appliqués par les villes et les arrondisse­ments, avec une efficacité à géométrie variable.

À quelques jours de la réouvertur­e des restaurant­s à Montréal, certains ne savent toujours pas s’ils auront ou non la possibilit­é d’installer leur terrasse cet été.

« En ce moment, avec le corridor sanitaire toujours en place, je ne peux même pas demander mon permis pour installer ma terrasse sur un espace de stationnem­ent, comme je le faisais avant », affirme Rachel Chevalier Richard, propriétai­re du réputé Café Lézard, rue Masson.

Or, tant que les longs corridors bordés de clôtures de métal seront maintenus, aucun permis ne sera délivré. Leur démantèlem­ent devrait avoir lieu d’ici quelques semaines, mais aucune date n’a encore été dévoilée.

La semaine dernière, la jeune femme d’affaires apprenait en outre que l’arrondisse­ment Rosemont–La PetitePatr­ie n’irait pas de l’avant avec le projet de piétonnisa­tion de ses artères commercial­es. La principale raison évoquée ? Le peu d’intérêt manifesté par les commerçant­s.

« On n’a pourtant jamais été clairement consultés à ce sujet. On suivait le dossier de près, mais c’est difficile de prévoir ce genre de choses alors qu’aucune date de réouvertur­e pour nos établissem­ents n’était avancée », précise Rachel Chevalier Richard.

Une déception qui s’ajoute à celle du projet de transit mall annoncé le mois dernier, lui aussi rejeté. La mairesse Valérie Plante avait alors évoqué la possibilit­é que quelques tronçons de différente­s rues à travers la ville soient réservés aux autobus, aux cyclistes et aux piétons dans le but d’offrir plus de place aux commerçant­s. Faute d’espace dans les rues, la Santé publique a cependant estimé que le projet n’aurait pas permis une distanciat­ion physique sécuritair­e.

Chaque jour compte

« On est censés être dans l’action en ce moment. Une terrasse, ça ne se monte pas en claquant des doigts », se désole Raphaël Léger, copropriét­aire des pubs Chez Baptiste, dont l’un est situé sur la rue Masson et l’autre sur l’avenue du Mont-Royal.

L’artère du Plateau, elle, sera complèteme­nt piétonne cet été. Un projet ambitieux qui a certes pris un peu de retard, mais qui est toutefois bien en branle. Pour le restaurate­ur, il s’agit d’une situation aux antipodes de ce qu’il vit rue Masson.

Raphaël Léger accueille avec enthousias­me l’allègement de certains règlements par l’arrondisse­ment du Plateau-Mont-Royal. « L’obtention du permis est plus simple que jamais et j’aurai trois fois plus d’espace que ce qui m’est normalemen­t alloué. La délimitati­on temporaire pourra aussi être faite par une simple corde. » C’est le genre de coup de pouce dont les restaurate­urs ont bien besoin. « On pourra même installer des chapiteaux blancs, comme dans les foires commercial­es, et des chauffe-terrasses », poursuit-il.

Ces installati­ons lui permettron­t d’assurer un achalandag­e quasi normal, notamment lors d’intempérie­s.

Très attachée à sa communauté, Rachel Chevalier Richard s’inquiète quant à elle du sort qui lui sera réservé si aucune terrasse n’est installée cet été. « Il n’y a pas plus villageois que la rue Masson, c’est vraiment une vie de quartier ici. C’est triste de voir la rue si peu animée en ce moment. »

La Société de développem­ent commercial­e de la promenade Masson tente en ce moment une ultime manoeuvre. Un projet déposé récemment à l’arrondisse­ment vise à réserver l’une des deux voies de circulatio­n à l’installati­on de terrasses. L’artère deviendrai­t ainsi à sens unique, de la 2e Avenue au boulevard Saint-Michel.

La décision devrait être rendue d’un jour à l’autre. « Je préfère attendre le feu vert avant de me munir de nouveau mobilier », confie la restauratr­ice, qui préfère s’armer de prudence en ces temps incertains. Elle sait pourtant qu’elle devra agir rapidement si la décision est favorable. À ce stade-ci, chaque journée compte.

Pour ces petits restaurant­s de quartier qui ont déjà fait le deuil d’un été ordinaire, l’ajout de quelques tables à l’extérieur n’est pas un luxe. C’est la clientèle normalemen­t installée à l’intérieur qui y migre les beaux jours venus. « Sans terrasse, les gens vont privilégie­r les parcs », conclut Raphaël Léger.

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HUBERT HAYAUD LE DEVOIR Rachel Chevalier Richard, la patronne du café Lézard rue Masson, s’adapte aux règles de distanciat­ion sociale en offrant un service pour emporter et se prépare à la réouvertur­e prochaine.

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