La transition énergétique a un problème de vitesse
Le problème, avec la réduction des gaz à effet de serre (GES), tient moins à la direction des changements qu’à leur lenteur, écrivait, le mois dernier, dans un rapport sur la transition énergétique du Forum de Davos, l’ancienne responsable du dossier climatique aux Nations unies, Christiana Figueres.
Sachant les gouvernements pressés d’agir par la crise de la COVID-19 et craignant de les voir rater l’occasion qui leur est offerte de se servir de leurs politiques de relance économique pour accélérer une transition énergétique verte, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) leur a offert, jeudi, un Plan pour une reprise durable clé en main. « Les gouvernements ont une opportunité telle qu’on n’en rencontre qu’une fois dans la vie de relancer leurs économies et l’emploi tout en accélérant le passage vers un futur énergétique plus résilient et plus propre », a déclaré à l’Agence France-Presse son directeur exécutif, Fatih Birol.
Élaboré en partenariat avec le Fonds monétaire international, ce « plan » de 175 pages compte une trentaine de propositions qui, en échange d’un milliard $US d’investissements par année pendant trois ans (ou 0,7 % du PIB mondial), ajouterait 1,1 point de pourcentage à la croissance économique mondiale par année, créerait ou sauvegarderait 9 millions d’emplois annuellement, réduirait les émissions de gaz à effet de serre de 4,5 milliards de tonnes, en plus de donner enfin accès à l’électricité à 270 millions de pauvres et permettre à 200 millions d’autres de cuire leurs aliments sans polluer.
On y rappelle, encore une fois, l’efficacité de la tarification du carbone, le caractère contre-productif des subventions aux énergies fossiles et le fait que les énergies renouvelables s’imposent de plus en plus souvent comme l’option la moins chère. On y propose des mesures pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, renforcer la résistance des réseaux électriques aux catastrophes climatiques et multiplier le nombre de voitures électriques et de trains rapides. On y encourage l’investissement dans la recherche et présente de nouvelles technologies (de batteries, de production d’hydrogène, de capture et de séquestration du carbone…) prêtes à prendre leur envol.
Plus vite !
Mais il y a un hic, ont tout de suite réagi des groupes environnementaux. L’AIE admet elle-même que son mode d’emploi ne permettrait pas d’adopter une trajectoire conforme à la cible de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius. Son « rapport s’obstine à ménager toutes les formes d’énergie et fait l’impasse sur la nécessaire sortie des hydrocarbures »
Dans son rapport sur la transition énergétique du mois dernier, le Forum économique mondial de Davos constatait, à son tour, que la marche vers un monde plus durable a été « constante » ces dernières années, mais « trop lente » pour atteindre les cibles de Paris.
Sur 115 pays analysés, 94, représentant 70 % des émissions mondiales de CO2, auraient amélioré leur performance à ce chapitre, depuis 6 ans, y compris de grands producteurs d’énergie, comme l’Inde et la Chine. Les importateurs nets de carburants ont fait plus de progrès que les exportateurs, et il a été plus facile aux retardataires de rattraper les chefs de file qu’à ses derniers d’inventer de nouvelles façons d’améliorer leurs performances.
Au sommet du classement se trouvent les pays d’Europe du Nord, comme la Suède (1re), la Finlande (3e) et même la Norvège (5e), pourtant producteur de pétrole. Il y a aussi la Suisse (2e), le Royaume-Uni (7e) ou encore la France (8e). Malgré leurs progrès, l’Inde (74e) et la Chine (78e) restent loin derrière, mais devant la plupart des pays d’Afrique et du Moyen-Orient.
Il faut descendre au 28e rang pour trouver le Canada qui, aux côtés des États-Unis (32e), du Brésil (47e) et de l’Iran (101e), a le triste honneur de faire partie du groupe de ceux qui ont « stagné ou décliné » les dernières années, déplore le Forum de Davos.
Un système d’éoliennes à Cap-Chat ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR