Le Devoir

La Cour suprême valide le statut des Dreamers

Il s’agit d’un revers pour Trump, qui souhaitait mettre fin à la protection légale de plus de 650 000 jeunes immigrants clandestin­s

- FABIEN DEGLISE

Mauvaise journée pour Donald Trump aux États-Unis qui, jeudi, a dû faire face à deux rebuffades importante­s. La première, en provenance de la Cour suprême du pays qui a rejeté le projet de son gouverneme­nt de mettre fin à la protection légale de plus de 650 000 jeunes immigrants clandestin­s, baptisés les Dreamers. Et la deuxième, venant des Américains eux-mêmes qui, dans une proportion de 74 % estiment désormais que le président est en train de conduire le pays dans la mauvaise direction. 63 % des républicai­ns appuient cette affirmatio­n.

Donald Trump avait fait de l’attaque du programme d’Action différée pour les arrivées d’enfants, le programme DACA, un des moteurs de sa campagne électorale de 2016 qui ciblait les immigrants comme source des maux de l’Amérique, selon lui.

Cette reconnaiss­ance légale de milliers d’Américains arrivés illégaleme­nt durant leur enfance sur le territoire des États-Unis avait été décrétée il y a huit ans par Barack Obama pour permettre à ces citoyens de sortir de la clandestin­ité. Trump l’avait qualifié d’« Amnistie exécutive illégale », durant sa campagne.

Les juges du plus haut tribunal des États-Unis, à majorité conservatr­ice, ont estimé à 5 contre 4 que cet argument de la Maison-Blanche n’était pas recevable.

« Nous ne disons pas si [ce programme] ou sa suppressio­n étaient des politiques fondées », a écrit le juge John Roberts, un conservate­ur modéré au nom de la majorité. « Nous avons seulement cherché à savoir si le gouverneme­nt avait suivi les règles de procédure et fourni une explicatio­n raisonnée à son action », a-t-il poursuivi. Et, selon lui, Washington « a échoué ».

Une contributi­on essentiell­e

La décision de la Cour suprême n’accorde pas de droits supplément­aires aux Dreamers, mais elle garantit leur maintien en sol américain en leur permettant entre autres de conserver leur numéro d’assurance sociale, clef de voûte pour travailler, étudier ou obtenir un permis de conduire dans ce pays. Au total, près de 1,3 million de non-citoyens, qui possèdent une adresse américaine, peuvent profiter de ce programme pour avoir été conduits aux États-Unis durant leur enfance.

Les défenseurs de ces citoyens dans la marge, dont plusieurs sont devenus des travailleu­rs actifs en luttant sans cesse contre le système ont, tout au long de la procédure, rappelé l’importance de leur contributi­on à la vie des États-Unis. En avril dernier, ces groupes avaient d’ailleurs transmis un nouvel argumentai­re à la Cour pour souligner le rôle joué par ces jeunes migrants, dont près de 30 000 travaillen­t dans le secteur de la santé, dans la réponse à la pandémie de COVID-19.

Rien n’empêche le Départemen­t de la sécurité intérieure, qui portait le dossier au nom de la Maison-Blanche, de poursuivre ses démarches pour éradiquer le programme DACA, a précisé la Cour suprême qui estime toutefois que la volonté de mettre fin à ce programme était un geste « capricieux » et « arbitraire » du gouverneme­nt américain.

Un jugement « horrible »

Le jugement a été vertement dénoncé par le président américain qui s’est fendu de plusieurs messages sur Twitter pour le qualifier de « horrible » et de « politiquem­ent orienté ». « Ces décisions […] de la Cour suprême sont comme des explosions au visage des gens qui sont fiers d’être républicai­ns ou conservate­urs, a-t-il écrit. « Nous avons besoin de plus de justice sinon nous allons perdre notre 2e amendement », celui permettant aux Américains de porter une arme, en substance. « Avez-vous l’impression que la Cour suprême ne m’aime pas ? », a-t-il écrit.

Tout en saluant la « victoire » de ces jeunes, devenus « ingénieurs, médecins, avocats… », le candidat démocrate à la Maison-Blanche, Joe Biden, a promis que s’il était élu le 3 novembre prochain, il proposerai­t une loi au Congrès pour inscrire leur statut dans le marbre.

« La décision de Trump de suspendre le programme DACA était l’une des plus laides et cruelles jamais prises par un président et il a perdu », s’est également félicité son ancien rival dans la course à l’investitur­e démocrate Bernie Sanders.

Dans le passé, le président américain a essayé d’utiliser les Dreamers comme monnaie d’échange avec son opposition, en proposant de leur accorder un statut définitif contre le financemen­t de son mur à la frontière avec le Mexique. Or, ce sont désormais ses tactiques de division de l’électorat américain, sur le dos des immigrants, qui semblent désormais se heurter à un mur, à en croire un sondage APNORC Center for Public Affairs Research publié jeudi. Le coup de sonde révèle que la majorité des Américains sont profondéme­nt insatisfai­ts de l’état de leur pays, à cinq mois de la prochaine présidenti­elle. Près des deux tiers des électeurs estiment même que le locataire de la Maison-Blanche divise de plus en plus l’Amérique.

Pis, à peine 24 % des Américains s’entendent pour dire que le pays est bien dirigé, contre 33 % il y a un mois à peine et 42 % en mars dernier. Une dégringola­de qui s’explique en partie par la gestion erratique de la crise de la COVID-19 par le président, tout comme son manque de compassion face aux mouvements sociaux déclenchés par la mort de George Floyd sous les mains de policiers blancs le 25 mai dernier, selon les sondeurs.

 ?? DREW ANGERER AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Donald Trump avait fait de l’attaque du programme d’Action différée pour les arrivées d’enfants, le programme DACA, un des moteurs de sa campagne électorale de 2016 qui ciblait les immigrants comme source des maux de l’Amérique.
DREW ANGERER AGENCE FRANCE-PRESSE Donald Trump avait fait de l’attaque du programme d’Action différée pour les arrivées d’enfants, le programme DACA, un des moteurs de sa campagne électorale de 2016 qui ciblait les immigrants comme source des maux de l’Amérique.

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