Qui tient le haut du pavé ?
De nombreux automobilistes continuent de rouler dans les rues qui leur sont interdites
De nombreux automobilistes ne se conforment pas au règlement interdisant la circulation de transit dans certaines rues de Montréal, a constaté Le Devoir vendredi. Sans la collaboration de la population, ces réaménagements urbains visant à favoriser la distanciation physique et à créer un environnement plus paisible pourraient se révéler inefficaces.
Dans l’arrondissement d’Outremont, certains segments du boulevard du Mont-Royal, en bordure de la colline du même nom, sont destinés exclusivement à la circulation locale depuis environ deux semaines. Bien qu’à l’angle des avenues Fernhill et McCulloch, des panneaux indiquent clairement que la circulation de transit n’est pas permise sur le boulevard, plus des trois quarts des véhicules vus en 20 minutes contrevenaient à cette règle.
À cette hauteur, le boulevard du Mont-Royal dispose d’un large trottoir et d’une bande gazonnée le séparant de la rue. En ce chaud vendredi avantmidi, peu de piétons y marchaient, mais les cyclistes, filant pour la plupart à bonne vitesse, se comptaient par dizaines. Un couple de résidents rencontré sur place était plutôt favorable à la nouvelle vocation de leur rue. « La pandémie nous est tombée dessus, on peut en profiter pour tenter des choses », a dit la dame.
Plusieurs arrondissements ont mis en place de tels aménagements, habituellement désignés « rues actives et familiales ». Dans Outremont, cinq secteurs résidentiels adjacents à un parc sont concernés. On considère que davantage de piétons y convergent. Les autorités présentent l’initiative comme un projet pilote, qui doit durer de juin à novembre. Dans les tronçons désignés, la limite de vitesse est réduite à 20 km/h.
Philipe Tomlinson, le maire de l’arrondissement Outremont, est bien
conscient que les nouvelles règles ne sont pas suivies de façon exemplaire.
« Depuis qu’on a fermé les tronçons, je fais moi-même des tournées régulières pour voir les installations et penser à des améliorations potentielles, dit-il en entrevue. Et, en effet, il y a des gens pour qui ça prend un peu plus de temps pour s’habituer à emprunter d’autres chemins. » Le maire croit cependant qu’au fil des semaines, la règle sera enfreinte moins fréquemment.
À quelques kilomètres de là, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, certaines rues sont aussi réservées à la circulation locale. C’est notamment le cas de la rue résidentielle Waverly, entre la rue Saint-Viateur et l’avenue Bernard. On y constate aussi des entorses : en une demi-heure, plus de la moitié des véhicules ont roulé de bout en bout de ce segment interdit à la circulation de transit sans s’y arrêter.
Points de vue opposés
À la mi-mai, le Plateau-Mont-Royal a annoncé une foule de réaménagements urbains visant à donner plus d’espace aux piétons et aux cyclistes. En plus des rues familiales et actives, on compte aussi des voies actives sécuritaires, des rues partagées, des rues piétonnes, de nouveaux aménagements cyclables et des corridors sanitaires. Bien accueillies par certains, ces mesures en rebutent d’autres. Vendredi matin, des commerçants ont bloqué une partie de la rue Rachel pour protester contre le réaménagement urbain qui ne laisse plus de place au stationnement sur un segment de l’artère.
L’arrondissement de Ville-Marie a lui aussi multiplié les réaménagements urbains pour limiter la transmission du coronavirus et pour rendre la ville plus agréable aux résidents qui ne la quitteront pas cet été. On y compte une douzaine de « rues familiales » où la circulation de transit est interdite.
Interrogé au sujet des règles bafouées par certains automobilistes dans les rues actives et familiales, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne détenait pas vendredi les informations permettant de confirmer cet état des lieux. « Le SPVM rappelle aux citoyens l’importance de faire preuve de courtoisie et de prudence en tout temps afin d’assurer une utilisation sécuritaire de la route », stipule simplement le corps de police.
« On n’a pas vraiment regardé les amendes [pour les automobilistes transitant par les rues actives et familiales] et on n’a pas nécessairement mis en place un système de vérification supplémentaire avec notre sécurité publique ou le SPVM », explique quant à lui le maire Tomlinson, qui dit faire confiance aux gens malgré tout.
Du côté des résidents, la réponse serait très positive, ajoute-t-il. L’arrondissement est en train d’analyser la demande de quelques regroupements de voisins qui veulent également voir l’accès à leur rue devenir interdit aux véhicules en transit.
Réouverture des restaurants
Déjà transformée par ces nombreux réaménagements urbains, Montréal n’a pas terminé sa mutation estivale.
Dès lundi, les restaurants pourront à nouveau accueillir des clients à leur table dans la région métropolitaine. Vendredi, des employés de l’arrondissement d’Outremont ont posé des blocs de béton et des panneaux empêchant la circulation automobile sur une partie de l’avenue Bernard, entre les avenues Bloomfield et Wiseman, dans l’objectif de donner plus d’espace aux restaurateurs désirant installer une terrasse.
Sur la rue Masson, dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, aucun permis de terrasse n’avait encore été délivré aux restaurateurs en raison du corridor sanitaire qu’on y trouve. Vendredi en fin d’après-midi, Kheir
Djaghri, le directeur général de la Société de développement commercial de la promenade Masson, a cependant eu une bonne nouvelle : des terrasses pourront être érigées dès lundi dans les cases de stationnement de la rue.
C’est un soulagement pour celui qui juge que les restaurateurs de sa société sont en train de se noyer. « Ce n’est pas l’heure de parler de la relance, mais plutôt du sauvetage », dit M. Djaghri.
Il y a des gens pour qui ça prend un peu plus de temps pour s’habituer à emprunter d’autres chemins
PHILIPE TOMLINSON »