Le Devoir

Le skate pour abolir la frontière de l’uniforme

Un policier de Longueuil parcourt les skateparks de la Rive-Sud pour briser les préjugés vis-à-vis de sa profession

- POLICE AMÉLI PINEDA

Tandis que les yeux sont braqués sur les interventi­ons policières partout dans le monde, à Longueuil, un patrouille­ur s’efforce depuis quatre ans de trouver le juste équilibre entre prévention et répression. Équipé de son casque et de sa planche à roulettes, Thierry HinseFilli­on parcourt les skateparks de la Rive-Sud pour briser les préjugés visà-vis de sa profession, tout en tissant des liens avec les jeunes. Rencontre.

« En 2017, c’était vraiment un élément choc [lorsque les gens me voyaient arriver en] uniforme », se souvient l’agent Hinse-Fillion. « Dès que la voiture de police arrivait dans un stationnem­ent de skateparks, tout le monde se retournait et analysait pour comprendre ce qui était arrivé, ce qu’ils avaient fait de mal », raconte-t-il.

Quatre ans plus tard, sa présence surprend encore, mais rapidement les citoyens semblent l’apprécier. « Avec la crise de la COVID, pour la Ville de Longueuil, c’était important d’avoir une présence policière pour être à l’écoute des gens et aller cibler s’il y avait des problémati­ques ou une détresse quelconque », explique le policier.

Le Devoir l’a rencontré, le patrouille­urskateur, au parc Christ-Roi où il est habitué de mettre de l’avant ses habiletés acquises lorsqu’il était ado. « Le skate, ç’a toujours été une passion pour moi », admet celui qui a aujourd’hui la chance de la combiner à sa profession.

À peine est-il débarqué sur la plateforme en cet après-midi du mois de juin que sa présence suscite de l’engouement autant auprès des jeunes que de leurs parents. « Est-ce que je peux te prendre en photo avec mon fils ? », demande Dany Ouellet, dont le garçon de douze ans, Anthony, vient s’entraîner sur son nouveau skate. « Quand mon père m’a parlé du policier en skate, je ne savais pas si c’était vrai ou s’il faisait une blague, je ne pensais pas le croiser si vite », confie Anthony, qui avoue être impression­né par les tricks de l’agent. « C’est vraiment une belle approche, je pense que c’est aussi une belle influence pour les jeunes qui voient que c’est quelqu’un comme eux », ajoute son père.

Sébastien Laplaine a connu Thierry au début du mois et déjà il le voit comme un modèle. « On a la même passion et je trouve que c’est inspirant pour nous parce qu’on peut vraiment parler de tout avec lui, pas juste de skate, mais de la vie aussi », dit l’homme de 18 ans.

C’est justement un des objectifs de l’agent, éviter que l’unique occasion d’interagir avec un policier soit liée à un appel au 911. « Cette clientèle-là a l’habitude de voir le côté répressif [de la police], que ce soit à cause d’une question de consommati­on de tabac ou d’alcool, ou encore parce qu’ils dépassent les heures d’ouverture [du skatepark]. La police arrive généraleme­nt après avoir reçu un appel. Même s’ils ne donnent qu’un avertissem­ent, c’est quand même dans un contexte où on vise la répression », souligne l’agent.

Pas plus tard que mardi soir, l’agent a pu répondre aux questions d’adolescent­s sur la consommati­on de cannabis et d’alcool, illustre-t-il. « Je leur ai expliqué la différence entre les règlements municipaux et le Code criminel, mais on s’entend que ces questions-là, jamais ils n’auraient composé le 911 pour s’informer. Là, j’étais avec eux, je n’ai pas à justifier mon travail et c’est ça qu’on souhaite implanter comme approche, une police de concertati­on », souligne le patrouille­ur.

Il semble avoir réussi à établir ce lien de confiance avec les jeunes, qui témoignent qu’ils le voient comme un des leurs. « Je trouve ça cool parce qu’il a l’air moins sévère [que d’autres policiers]. Pour moi, il fait partie des nôtres, du moment où tu fais du skate, tu es notre pote », soutient Noam Estrany. Le skateur de 12 ans est cependant conscient que le policier a aussi un travail à faire. « Il est quand même armé et a ses protection­s, mais c’est bien qu’il prenne le temps de s’amuser avec nous, tout en faisant son travail », dit-il.

Police de proximité

D’ailleurs, il n’est pas rare que des citoyens questionne­nt le patrouille­ur sur l’approche policière, surtout avec la mort récente de George Floyd, cet Afro-Américain qui a péri lors d’une interventi­on à Minneapoli­s en mai dernier.

« Il y a certaines personnes qui ne sont pas pro-police, mais qui sont quand même curieuses de me voir et qui me posent des questions », mentionne-t-il. « De discuter avec un policier dans un contexte qui n’est pas répressif, ça donne l’occasion de jaser justement d’autres aspects plus politiques et peu importe l’âge de la personne, c’est quand même le fun d’avoir une discussion ouverte sans changer complèteme­nt les mentalités, mais au moins créer une ouverture », poursuit-il.

L’applicatio­n d’une approche répressive ne favorise pas le rapprochem­ent citoyen estime le patrouille­ur HinseFilli­on, selon qui les corps de police doivent miser sur une police de proximité. « L’équilibre entre la répression et la prévention, c’est la dissuasion. Ce que je vise, c’est que ma présence soit dissuasive. Si quelqu’un a de mauvaises intentions, mais qu’il sait qu’un policier pourrait débarquer parce qu’il y en a qui se promènent en skate, bien sans doute qu’il va y réfléchir et éviter de se placer dans une situation problémati­que », dit-il. « La dernière chose que je voudrais, c’est d’aller en répression parce que je viendrais briser le lien que j’essaie d’établir. »

Cette clientèle-là a l’habitude de voir le côté répressif [de la police], que ce soit à cause d’une question de consommati­on de tabac ou d’alcool, ou encore parce qu’ils dépassent

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les heures d’ouverture [du skatepark]

THIERRY HINSE-FILLION

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GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR Le Devoir a rencontré le patrouille­urskateur de la police de Longueuil Thierry HinseFilli­on au parc Christ-Roi, mercredi, où il est habitué de mettre de l’avant ses habiletés acquises lorsqu’il était ado.
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