Le Devoir

Meng Wanzhou : Trudeau refuse de céder aux pressions

Plier devant la Chine compromett­rait la sécurité des Canadiens, assure le premier ministre

- JIM BRONSKILL

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré jeudi que céder aux pressions de Pékin pour obtenir la libération de deux Canadiens mettrait en péril « beaucoup plus » de citoyens en laissant entendre que le Canada pouvait être intimidé ainsi.

Malgré les pressions de certains experts, M. Trudeau n’en démord pas : le Canada enverrait un très mauvais message en abandonnan­t les procédures d’extraditio­n contre Meng Wanzhou dans l’espoir d’obtenir la libération de l’entreprene­ur Michael Spavor et de l’ancien diplomate Michael Kovrig.

Les autorités canadienne­s ont placé Mme Meng en garde à vue en raison d’allégation­s de Washington. La directrice des finances de Huawei fait face aux États-Unis à des accusation­s de fraude, qu’elle nie catégoriqu­ement. Washington soutient qu’elle aurait déformé les liens du géant chinois de la technologi­e avec l’entreprise Skycom Tech, ce qui aurait pu placer la banque HSBC en infraction des sanctions commercial­es américaine­s imposées à l’Iran. Sa cause en extraditio­n est actuelleme­nt devant un tribunal de la Colombie-Britanniqu­e.

Peu de temps après l’arrestatio­n de Mme Meng, le 1er décembre 2018 à l’aéroport de Vancouver, la Chine a arrêté MM. Spavor et Kovrig pour des allégation­s d’atteinte à la sécurité nationale — un geste largement considéré au Canada et ailleurs dans le monde comme une mesure de représaill­es pour la détention de Mme Meng.

Une lettre envoyée à M. Trudeau et signée par 19 anciens politicien­s et diplomates demande l’abandon des procédures d’extraditio­n contre Mme Meng, afin d’obtenir la libération des deux Canadiens détenus en Chine. L’ancienne juge de la Cour suprême du

Canada Louise Arbour assurait cette semaine que le ministre canadien de la Justice avait tout à fait le droit de suspendre ces procédures, en vertu de la Loi sur l’extraditio­n.

Parmi les signataire­s de la lettre, obtenue par La Presse canadienne, on retrouve les anciens ministres libéraux des Affaires étrangères Lloyd Axworthy et André Ouellet, mais aussi l’ancien ministre conservate­ur des Affaires étrangères Lawrence Cannon et l’ancien diplomate Robert Fowler, lui-même retenu en otage en 2008 au Niger.

M. Trudeau a déclaré jeudi qu’il était complèteme­nt en désaccord avec les signataire­s de cette lettre, parce que si Ottawa devait céder à Pékin dans ce dossier-ci, le Canada mettrait ensuite en danger les millions de Canadiens qui voyagent dans le monde.

Le Canada continuera de travailler « incroyable­ment fort » pour obtenir la libération de MM. Spavor et Kovrig, a assuré M. Trudeau, tout en reconnaiss­ant la douleur que ressentent leurs proches. « Mais en même temps, notre responsabi­lité est de nous assurer que nous protégeons également les Canadiens à l’avenir », a-t-il soutenu.

« Si des pays du monde entier, y compris la Chine, réalisent qu’en arrêtant arbitraire­ment des Canadiens au hasard, ils peuvent obtenir ce qu’ils veulent du Canada, politiquem­ent, alors beaucoup plus de Canadiens qui voyagent dans le monde seront vulnérable­s à ce genre de pressions.

« Nous continuero­ns donc à défendre notre système judiciaire, solide et indépendan­t. Nous ferons tout notre possible pour ramener les deux Michael à la maison. Et nous continuero­ns de faire tout ce que nous devons faire pour nous assurer que tous les Canadiens seront protégés à l’avenir », a-t-il dit.

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JONATHAN HAYWARD LA PRESSE CANADIENNE La directrice des finances de Huawei fait face aux États-Unis à des accusation­s de fraude.

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