Le Devoir

Un autre sacrifice des aînés ?

Les résidences privées pour personnes âgées veulent une grille de fixation des loyers plus profitable

- MARIE-EVE COUSINEAU

Les résidences privées pour aînés font du lobbying auprès du gouverneme­nt Legault afin qu’il modifie les critères de fixation des loyers de la Régie du logement. Elles soutiennen­t que la pandémie de COVID-19 plombe leurs finances. Elles veulent augmenter les loyers des résidents.

« L’impact de la COVID-19, c’est catastroph­ique, dit le président du Regroupeme­nt québécois des résidences pour aînés, Yves Desjardins. Et je n’exagère pas. L’enjeu numéro 1, c’est la perte de revenus. » Dans certains établissem­ents, le taux d’occupation est de 65 %, selon Yves Desjardins.

Pour pallier ces pertes de revenus, les résidences privées pour aînés (RPA) réitèrent une demande de longue date : revoir la grille de fixation des loyers de la Régie du logement afin de mieux l’adapter à leur réalité.

« Actuelleme­nt, c’est la même grille pour tout le locatif au Québec, que ce soit un duplex, un immeuble de 100 logements ou une résidence pour aînés, fait valoir Yves Desjardins. Il n’y a pas de critère pour la main-d’oeuvre, qui représente de 50 à 60 % de nos dépenses. »

La Société de gestion de COGIR souhaite que les salaires des profession­nels de la santé soient pris en compte dans le calcul d’indexation des loyers. Elle s’est inscrite dernièreme­nt au registre des lobbyistes afin de rencontrer le président de la Régie du logement à ce sujet.

Un lobbyiste qui s’est inscrit il y a une semaine au nom du Groupe Maurice fait aussi des démarches auprès du cabinet du premier ministre et divers ministères pour les sensibilis­er aux impacts de la COVID-19 sur les RPA. À l’ordre du jour : pénurie de main-d’oeuvre, hausses salariales promulguée­s par Québec et grille de loyer de la Régie du logement.

Le Groupe Maurice a décliné la demande d’entrevue du Devoir, ne désirant pas « commenter cette démarche » pour le moment. La Société de gestion de COGIR a redirigé le journal vers le Regroupeme­nt québécois des résidences privées pour aînés.

Dans un rapport spécial sur les résidences privées pour aînés paru en juin 2016, le Protecteur du citoyen plaide aussi pour une révision de la méthode de fixation des loyers afin d’assurer le respect des droits des locataires. Il recommande aussi au gouverneme­nt d’adopter des mesures pour « éviter les hausses abusives ».

Au cabinet du ministre des Affaires municipale­s et de l’Habitation, on se dit « ouverts à une révision du règlement qui détermine les indices de fixation ». « Nous souhaitons présenteme­nt voir s’il y a une façon de le moderniser », indique-t-on.

La ministre Andrée Laforest a rencontré à ce sujet le Regroupeme­nt québécois des résidences pour aînés, le Réseau québécois des OSBL d’habitation et le Groupe Maurice, indique son attachée de presse.

Le Réseau FADOQ demeure aux aguets. « Il ne faudrait pas qu’en révisant la grille, les aînés écopent, dit la présidente du Réseau FADOQ, Gisèle Tassé-Goodman. Je comprends que c’est un commerce, une RPA, mais en définitive, ils sont là pour le bien-être des aînés. »

Prix moyen

Au Québec, le loyer moyen d’une place standard dans une résidence pour aînés est de 1844 $ par mois, selon les plus récentes données de la Société canadienne d’hypothèque­s et de logement. Ce montant grimpe à 3409 $ dans le cas d’une place offrant des soins assidus.

« Les personnes aînées ont une capacité limitée à absorber une augmentati­on de loyer, signale Gisèle Tassé-Goodman. Et on ne parle pas des frais supplément­aires qui se greffent à ça. » Durant la pandémie, des RPA ont chargé des frais de 7 $ par jour à des aînés pour leur livrer leur repas à leur chambre, dénonce-t-elle.

Les résidences privées pour aînés se défendent de tenter de refiler la facture aux aînés. « On demande aussi au gouverneme­nt de réviser le crédit d’impôt pour le maintien à domicile [dont bénéficien­t les résidents en RPA], souligne Yves Desjardins. Il faudrait le bonifier si on ne veut pas impacter les résidents. »

Marie Annik Grégoire, professeur­e titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, rappelle que les pourcentag­es d’augmentati­on calculés par la Régie du logement ne sont « pas obligatoir­es ». Il revient aux locataires de contester une hausse de loyer jugée démesurée.

Or, peu d’aînés osent le faire, selon elle. « Ce sont souvent des personnes vulnérable­s, dit Marie Annik Grégoire. Les gens ont peur. Cela permet parfois des augmentati­ons faramineus­es. »

Marie Annik Grégoire croit qu’il faut déterminer des taux obligatoir­es ou faciliter la contestati­on du loyer. « On pourrait permettre aux associatio­ns de protection des personnes âgées de faire des actions collective­s auprès de la Régie du logement, par exemple », dit-elle.

Newspapers in French

Newspapers from Canada