Le Devoir

Les leçons à tirer de la réouvertur­e des restaurant­s à Québec

L’expérience de la réouvertur­e à Québec permet de tirer quelques leçons

- LAURENCE-MICHÈLE DUFOUR COLLABORAT­RICE

Alors que la scène gastronomi­que montréalai­se amorçait lundi son grand retour, les restaurant­s de la ville de Québec, eux, avaient déjà repris leurs activités une semaine plus tôt. Or, malgré les sourires arborés à l’accueil, tout n’est pas rose. Sachant qu’ils devront continuer à se débattre pour garder la tête hors de l’eau, les restaurate­urs nous renvoient les échos d’une relance somme toute assez réussie.

« Les clients étaient au rendez-vous. Les gens avaient envie de sortir, ça se voyait sur leurs visages », confie Kim Colonna, copropriét­aire du bar à vin Petits creux, dans le quartier Montcalm. Celui que l’on surnomme la « légende de l’apéro » était fort heureux d’enfin retrouver sa clientèle.

Pas de remaniemen­t d’horaire de son côté, il reprend à plein régime, sept jours sur sept de 15 h à 22 h. Pas de modificati­on dans la dispositio­n des tables non plus. Certaines resteront vacantes pour respecter la distanciat­ion. Sa clientèle, majoritair­ement locale, privilégie la terrasse dès que la températur­e le permet. « L’intérieur devient une sorte de salle d’attente pour s’installer dehors », précise-t-il.

Bien qu’il espère retrouver rapidement un achalandag­e quasi normal, Kim Colonna n’en est pas moins inquiet. Il venait à peine de rénover son restaurant quand la crise a éclaté, en plus d’avoir lancé une nouvelle adresse, dans le Petit Champlain. L’emplacemen­t, situé dans un quartier plus touristiqu­e, souffrira très certaineme­nt de la pandémie. Cette pause forcée lui donne l’impression de repartir à zéro après sept années d’activité. « Les prêts, ça ne sera pas suffisant pour surmonter ce qui s’en vient », déploret-il, inquiet.

Jouer de prudence

Devant cette situation précaire, Louis Bouchard Trudeau, copropriét­aire des restaurant­s Le Pied bleu et Le Renard et la Chouette, tous deux situés dans le quartier Saint-Roch, souhaite plutôt reprendre graduellem­ent. « Le but, c’est évidemment de recommence­r à faire du service, mais tranquille­ment, avec des heures réduites. »

Si ses activités ont ralenti depuis le 15 mars dernier, elles n’ont jamais complèteme­nt arrêté. La production de charcuteri­es artisanale­s à destinatio­n des quelques points de vente dans les marchés de Québec a continué d’aller bon train pendant le confinemen­t.

Ses deux restaurant­s ont rapidement été convertis en comptoirs de plats à emporter, une formule qui restera malgré la reprise des activités en salle à manger. « Les gens pourront venir commander à la vitrine de chaque établissem­ent pour profiter de la terrasse du Renard et la Chouette, sur le mode libreservi­ce », explique l’entreprene­ur, qui travaille de concert avec la Société du développem­ent commercial de son quartier pour pouvoir aussi installer une terrasse devant Le Pied bleu. Saint-Vallier possédant des espaces de stationnem­ent d’un seul côté de la rue, il lui apparaît absurde que seuls les commerces du côté nord aient accès à ce privilège.

Louis Bouchard Trudeau ne peut désormais compter que sur une fraction du nombre de places assises. Les tables de ses deux adresses sont séparées par des paravents givrés mobiles. « On cherchait une solution qui pourrait aussi nous servir l’hiver venu. » Il leur sera alors facile de réorganise­r l’espace à l’aide de ces séparation­s amovibles. « On ne sait pas à quoi s’attendre pour l’automne, alors on essaie d’être prêts pour tout », poursuit-il.

Prévoir l’imprévisib­le

Pour une adresse au style plus raffiné, comme l’Albacore, les réservatio­ns sont souvent de mise. « La terrasse a toujours été pour nous un espace d’appoint », explique Benoit Poliquin, copropriét­aire du restaurant situé dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, dans la haute ville. « On l’a maintenant aménagée pour nous permettre d’accueillir plus de clients, mais le problème est qu’on ne peut y prendre de réservatio­ns à cause des intempérie­s », dit-il. Ce qui se révèle problémati­que pour les touristes, qui préfèrent généraleme­nt prévoir leur visite.

L’Albacore s’est lui aussi muni de quelques plaques de plexiglas mobiles pour les clients provenant de différents ménages qui se retrouvera­ient à la même table. « Les gens à qui je les ai proposés jusqu’à maintenant m’ont pratiqueme­nt ri au visage », affirme Benoit Poliquin. Les deux mètres de distanciat­ion recommandé­s lui semblent, comme à beaucoup d’autres, exagérés. « On va continuer de porter une visière et un masque pour rassurer les clients, mais je ne suis pas convaincu de leur efficacité. On est les mieux outillés pour éviter la contaminat­ion croisée de toute façon. Se laver les mains après chaque action, on faisait ça bien avant la COVID-19 », conclut-il.

Pour certains, les prochaines semaines seront déterminan­tes. Optimisme et résilience sont malgré tout au rendez-vous. « Pas le choix, s’exclame Kim Colonna. Autant changer de métier sinon. » La visite d’un restaurant comporte évidemment des risques, alors autant s’y rendre dans de bonnes dispositio­ns. Ce qui devrait toujours être le cas, mais particuliè­rement en ces temps si incertains.

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FRANCIS VACHON LE DEVOIR Benoit Poliquin, le copropriét­aire du restaurant Albacore, situé dans le quartier SaintJean-Baptiste, dans la haute ville

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