Le Devoir

Le FMI craint une solide correction des marchés

Le scénario des investisse­urs ne se vérifie pas dans les cartes

- GÉRARD BÉRUBÉ

Après avoir noirci son scénario postpandém­ie, le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) s’est dit préoccupé par le découplage entre les marchés financiers et l’économie dite réelle. Une solide correction des actifs à risque est à craindre.

Mercredi, dans la mise à jour de ses prévisions économique­s mondiales, le FMI affirmait que cette « crise pas comme les autres » se veut bien pire que ce qui était prévu et que la reprise sera plus lente que ce qui était espéré. L’institutio­n chiffre désormais à 4,9 % la récession mondiale en 2020, modifiant la prévision d’un plongeon de 3 % formulée en avril, au coeur de la pandémie.

Mais alors que les perspectiv­es s’assombriss­ent et que le degré d’incertitud­e augmente, les marchés financiers, Bourses en tête, se remettent de leur dégringola­de de février-mars. « Si certains marchés boursiers ont récupéré la totalité de leurs pertes, d’autres ne sont qu’à 75 % environ du niveau où ils se trouvaient à la mi-janvier. Parallèlem­ent au redresseme­nt des prix, la volatilité des marchés boursiers s’est atténuée après avoir atteint un pic en mars […] Sur les marchés du crédit, les écarts de taux se sont considérab­lement rétrécis après avoir atteint des sommets », écrivait jeudi le FMI dans son rapport de juin sur la stabilité financière dans le monde.

Selon l’institutio­n de Washington, les interventi­ons des banques centrales et des gouverneme­nts alimentent un optimisme croissant chez les investisse­urs, qui semblent miser sur un scénario de reprise économique rapide en V qui ne se vérifie pas dans les cartes.

« Ce décalage entre les marchés et l’économie réelle agite le spectre d’une nouvelle correction des prix des actifs en cas de baisse de l’appétit des investisse­urs pour le risque, ce qui mettrait la reprise en péril », craint-elle.

« En fait, les valorisati­ons semblent excessives sur bon nombre de marchés boursiers et de marchés d’obligation­s de société. »

D’autant que l’économie mondiale est entrée dans la pandémie avec son lot de vulnérabil­ités financière­s accumulées depuis la Grande Récession. Le FMI rappelle le niveau d’endettemen­t élevé des pays, des entreprise­s et des ménages. La dette globale des entre

Alors que les perspectiv­es s’assombriss­ent et que le degré d’incertitud­e augmente, les marchés financiers se remettent de leur dégringola­de de février-mars

prises se situait à des niveaux records par rapport au PIB. Celle des ménages était en progressio­n, en particulie­r dans des pays moins touchés par la crise financière de 2008. La pandémie vient exacerber le risque de faillites.

« Dans les pays avancés comme dans les pays émergents, la dette des entreprise­s et des ménages pourrait devenir insoutenab­le pour certains emprunteur­s en cas de grave contractio­n économique […] Cette détériorat­ion des paramètres économique­s fondamenta­ux a déjà conduit au rythme de défaillanc­es d’obligation­s d’entreprise le plus rapide depuis la crise financière mondiale. »

Quant à la dette souveraine, « bon nombre de pays très endettés vont à présent connaître un ralentisse­ment économique extrêmemen­t brutal ».

L’accroissem­ent pressenti de l’insolvabil­ité va mettre à l’épreuve « la résilience du secteur bancaire ». De plus, les entreprise­s financière­s non bancaires, encore plus présentes aujourd’hui, risquent également d’en subir les effets, voire d’amplifier les tensions. Le FMI donne l’exemple des fonds d’investisse­ment. « Un choc brutal sur les prix des actifs pourrait provoquer de nouveaux retraits des fonds de placement, qui, à leur tour, conduiraie­nt à des bradages d’actifs de la part de ces gestionnai­res de fonds. »

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