Lufthansa sauvée de la faillite in extremis
Le premier groupe de transport aérien européen, Lufthansa, a reçu jeudi l’aval pour un plan de sauvetage de 9 milliards d’euros, qui lui évite la cessation de paiement face au coronavirus et va voir l’État allemand revenir à son capital.
Réunis en assemblée générale, les actionnaires ont très largement approuvé le projet à plus de 98 % des voix. Une majorité des deux tiers était requise. « On y est arrivés ! Nous allons nous en sortir » désormais, a lancé juste après le président du conseil de surveillance de la compagnie allemande, Karl-Ludwig Kley.
L’issue de ce vote est restée longtemps incertaine en raison des réserves du principal actionnaire de la compagnie, un milliardaire allemand. Ce dernier était réticent à l’idée de voir l’État allemand acquérir au moins 20 % de Lufthansa dans le cadre de ce plan, une première depuis la privatisation complète de la compagnie en 1997.
En parallèle, la Commission européenne, gardienne de la concurrence, a annoncé aussi qu’elle validait le projet, insistant sur les conditions acceptées en contrepartie.
« Lufthansa s’est engagée à mettre à la disposition » de ses concurrents « des créneaux horaires […] dans ses aéroports pivots de Francfort et de Munich », a dit la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager. Cela ne suffit toutefois pas à la compagnie à bas prix Ryanair, qui a annoncé qu’elle déposera une action en justice.
Pour convaincre les actionnaires, Lufthansa a rappelé que la compagnie, pratiquement clouée au sol par l’épidémie, était financièrement aux abois. « Nous n’avons plus d’argent », a averti le président du conseil de surveillance. Sans soutien de l’État, Lufthansa devrait déposer le bilan dans un délai « de quelques jours », a-t-il prévenu.
Au dernier moment
Dans les tractations autour du plan de sauvetage, le principal actionnaire actuel, le milliardaire allemand Heinz Hermann Thiele, qui détient encore 15,5 % du capital, a joué un rôle pivot. Ce n’est qu’au dernier moment, mercredi soir, qu’il a fait savoir qu’il approuvera le plan d’aide, tout en réclamant une « restructuration » rapide de la compagnie.
La pandémie de COVID-19 a entraîné chez Lufthansa l’arrêt quasi total des activités passagers ; au pic de la crise, le groupe perdait 1 million d’euros par heure. Mais même avec l’aide publique, la suite s’annonce compliquée, car le redémarrage ne sera que très progressif : en septembre, il prévoit une offre toujours inférieure de 60 % à la normale.
À terme, le groupe aura une centaine d’avions de moins sur les 763 d’avant la crise, qui a cloué au sol la quasitotalité de la flotte pendant près de deux mois. Pour s’adapter à cette baisse prolongée, Lufthansa veut supprimer 22 000 emplois équivalents temps plein, soit 16 % des effectifs mondiaux, dont la moitié en Allemagne, et négocie à cet effet avec les syndicats.
En ce qui concerne les différentes filiales de Lufthansa, l’Autriche a prévu d’aider Austria Airlines à hauteur de 450 millions d’euros, sans monter au capital.
En Suisse, Berne va garantir 1,2 milliard de prêts aux filiales Swiss et Edelweiss, tandis que les négociations se poursuivent en Belgique, où Brussels Airlines est en passe de supprimer un millier d’emplois.