Le Cirque du Soleil se place à l’abri de ses créanciers
Le recours à la protection des tribunaux contre les créanciers est un geste « obligé et nécessaire » qui met la table à une véritable relance du Cirque du Soleil, a affirmé lundi son président et chef de la direction, selon lequel l’entreprise a reçu cinq lettres d’intention de la part de différents investisseurs et une offre ferme : celle de ses actionnaires actuels.
Le Cirque a annoncé que ses actionnaires actuels — le fonds américain TPG (60 %), la société chinoise Fosun (20 %) et la Caisse de dépôt et placement du Québec (20 %) — offrent de réinjecter 300 millions $US dans l’entreprise, dont 200 millions proviendront d’un prêt d’Investissement Québec. La somme globale prévoit 15 millions pour indemniser 3480 employés licenciés et 5 millions pour payer les entrepreneurs et artisans indépendants.
« Aujourd’hui, on a l’assurance, avec cette proposition de nos actionnaires, qui sont aidés par un prêt important d’Investissement Québec, que le Cirque du Soleil va passer à travers la crise et va survivre », a dit en entrevue téléphonique le patron du Cirque du Soleil, Daniel Lamarre. L’objectif est de revenir au taux de rentabilité d’avant la crise, mais de manière réaliste, il faudra deux ans, a-t-il dit.
L’opération proposée prévoit une réduction de la dette du Cirque, estimée à environ 900 millions $US. Elle comporte aussi une convention d’achat de type stalking horse, faisant en sorte que les actionnaires actuels feraient l’acquisition de l’ensemble des actifs de la compagnie. Dans les faits, cette convention servirait à établir un « prix plancher » en vue d’une vente aux enchères dans le cadre d’un processus de sollicitation auprès des investisseurs.
La seule offre ferme est venue de ses actionnaires actuels, qui proposent de réinjecter 300 millions de dollars américains
La requête pour la protection contre les créanciers sera présentée en Cour supérieure mardi. La firme Ernst & Young sera proposée comme contrôleur. Le processus de vente et de sollicitation fera l’objet d’une autre audience dans une semaine et demie.
Garanties
« Si d’autres groupes voulaient offrir davantage, ils auront un délai de 45 jours pour se manifester et ils doivent nous arriver avec des garanties solides », a dit M. Lamarre. Jusqu’ici, selon le Cirque, l’offre des actionnaires actuels est la seule « entièrement documentée et ferme reçue ». « Ce qu’on a eu, ce sont des lettres d’intention de gens qui nous ont dit “si jamais vous vous mettez à l’abri des créanciers, on aimerait faire une proposition”. » Il y a eu de l’intérêt québécois, a-t-il dit sans avancer dans les détails. (Québecor et Guy Laliberté ont déjà publiquement manifesté leur souhait de participer à la relance du Cirque.)
Entre autres, on demandera aux acheteurs potentiels de préciser « leurs intentions à l’égard des employés licenciés du Cirque, incluant la compensation financière pour ces employés, ainsi que le maintien des activités au Québec, et qu’elles précisent des intentions claires en vue de la reprise des activités », a indiqué le Cirque dans son communiqué.
Par ailleurs, la convention d’achat proposée prévoit que les créanciers garantis du Cirque du Soleil recevront une dette non garantie de 50 millions $US et 45 % des actions de la société restructurée. Il est également question du remboursement de 50 millions $US d’un prêt provisoire offert par certains prêteurs de premier rang.
La propagation rapide de la COVID-19 partout dans le monde a forcé le Cirque à suspendre des dizaines de spectacles. En mars, la compagnie a mis à pied temporairement 95 % de son personnel, ou environ 4700 personnes. De ce nombre, 3480 employés (hors Las Vegas et Orlando, où se trouvent des spectacles résidents) sont touchés par la fin d’emploi et se partageront la somme de 15 millions de dollars, a précisé la direction lundi. Le licenciement permet par ailleurs aux gens de recevoir leurs vacances accumulées, d’accéder au Programme de protection des salariés du gouvernement canadien et au chômage. Les employés licenciés seront rappelés au fur et à mesure que les spectacles reprendront.
Dans un communiqué distinct, les actionnaires TPG, Fosun et la Caisse de dépôt ont déclaré avoir « travaillé avec diligence pour préserver la valeur à long terme de l’entreprise » avec la direction du Cirque. « Nous croyons que notre engagement d’aujourd’hui crée de solides fondations sur lesquelles la société pourra s’appuyer pour commencer à rebâtir et à repositionner sa marque pour l’avenir. »