Le Devoir

Un ex-premier ministre français condamné à la prison |

Le « Penelopega­te », une affaire d’emplois fictifs nommée d’après son épouse, avait empoisonné la campagne présidenti­elle de l’ancien premier ministre français en 2017

- JULIETTE MONTESSE ANNE-SOPHIE LASSERRE À PARIS AGENCE FRANCE-PRESSE

L’ancien premier ministre français François Fillon a été condamné lundi à Paris à cinq ans de prison dont deux ferme dans une retentissa­nte affaire d’emplois fictifs qui avait fait dérailler sa campagne présidenti­elle en 2017.

Les magistrats ont jugé « fictifs ou très largement surévalués » les emplois de Penelope Fillon comme assistante parlementa­ire de son époux, François, et du suppléant de celui-ci dans la Sarthe, dans l’ouest de la France, Marc Joulaud, au titre de trois contrats signés entre 1998 et 2013, ainsi que les emplois d’assistants des enfants Fillon auprès de leur père sénateur en 2006-2007.

Les Fillon avaient décrit des tâches indispensa­bles à la carrière du député. Mais pour le tribunal, aucune des activités de Mme Fillon, simple « soutien à la carrière de son mari », ne justifiait ses rémunérati­ons fixées « au maximum » possible : ces contrats n’avaient « aucune consistanc­e », ne répondaien­t à « aucun besoin ».

Le tribunal, qui n’a pas prononcé de mandat de dépôt, a assorti la condamnati­on de M. Fillon d’une amende de 375 000 euros (environ 576 400 $CA) et d’une peine d’inéligibil­ité de dix ans.

Penelope Fillon a été condamnée à trois ans de prison avec sursis, à 375 000 euros d’amende et à deux ans d’inéligibil­ité.

Les époux et leur coprévenu, Marc Joulaud, ont été en outre condamnés à rembourser plus d’un million d’euros (1,5 million de dollars canadiens) à l’Assemblée nationale.

Au coeur du procès figuraient donc les soupçons de détourneme­nt de fonds publics entourant les emplois de collaborat­rice parlementa­ire de Mme Fillon, poursuivie pour des « prestation­s fictives ou surévaluée­s ».

Ses activités dans la Sarthe auprès de son mari député et de son suppléant méritaient-elles d’être rémunérées dans le cadre de contrats d’assistante parlementa­ire ?

Entre 1998 et 2013, la discrète Galloise de 64 ans a perçu au total 613 000 euros net (environ 942 200 $CA) au titre de contrats connus seulement de quelques proches.

Les Fillon, dont les avocats ont plaidé la relaxe, ont décrit des tâches certes majoritair­ement orales (être « les yeux et les oreilles » du député, « donneuse d’ordres » pour le courrier arrivé à leur manoir sarthois), mais indispensa­bles, selon eux, à la carrière de l’homme politique.

François Fillon s’est évertué à expliquer que le travail de collaborat­eur est d’autant plus varié lorsque celui-ci est le conjoint, une pratique désormais interdite.

L’accusation estime au contraire que le tout relève « davantage du rôle social d’un conjoint d’élu » que d’un réel emploi d’assistant parlementa­ire, lequel est donc « fictif ».

Tout « en prônant un comporteme­nt exemplaire », François Fillon a persisté à « mettre en oeuvre un système lui permettant d’utiliser la quasi-totalité du crédit collaborat­eur qui était à sa dispositio­n […] et à compléter les revenus de son couple avec des fonds provenant d’abus de biens sociaux », et « n’a pas procédé à la moindre remise en question de son comporteme­nt », ont insisté les juges.

« Stupéfacti­on »

En faisant « prévaloir son intérêt personnel sur l’intérêt commun » dans un but d’« enrichisse­ment personnel », M. Fillon « a contribué à éroder la confiance » des citoyens, a souligné la présidente du tribunal, Nathalie Gavarino.

Les époux Fillon ont fait savoir qu’ils faisaient appel de cette condamnati­on. « Cette décision, qui n’est pas juste, va être frappée d’appel, […] il y aura un nouveau procès », a annoncé devant la presse Antonin Lévy, l’avocat de François Fillon.

Le jugement a été prononcé en dépit des demandes de la défense de rouvrir les débats, arguant de « pressions » sur l’enquête.

La semaine dernière, la défense de l’ancien champion de la droite qui dénonce depuis trois ans une enquête « à charge » menée en pleine campagne présidenti­elle, avait demandé la réouvertur­e du procès après des déclaratio­ns sur des « pressions » au cours de l’enquête.

Donné favori à la présidenti­elle, François Fillon, chantre de la droite conservatr­ice, avait finalement été éliminé au premier tour, après une campagne minée par cette affaire révélée par l’hebdomadai­re Le Canard enchaîné.

À 66 ans, François Fillon, désormais retraité de la politique, s’est reconverti dans la finance.

Plusieurs responsabl­es du parti français Les Républicai­ns (droite) ont dit lundi leur « stupéfacti­on » après une condamnati­on « terribleme­nt lourde ».

 ?? THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE ?? François Fillon et son épouse, Penelope, au tribunal de Paris, lundi 29 juin
THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE François Fillon et son épouse, Penelope, au tribunal de Paris, lundi 29 juin

Newspapers in French

Newspapers from Canada