Le Devoir

Un vaccin gratuit pour protéger les services oncologiqu­es

- ISABELLE PARÉ

En rendant accessible à tous le vaccin contre la grippe saisonnièr­e, la Coalition priorité cancer estime que le gouverneme­nt éviterait une coûteuse surcharge dans les hôpitaux

Pour éviter que les patients atteints de cancer ne fassent à nouveau les frais de la pandémie, la Coalition priorité cancer au Québec (CPCQ) souhaite que Québec procède, avant l’arrivée d’une deuxième vague, à la vaccinatio­n universell­e de la population contre l’influenza et la pneumonie.

L’immunisati­on à large échelle, estime cet organisme de lutte contre le cancer, permettrai­t d’éviter une nouvelle paralysie du réseau hospitalie­r en cas de résurgence de cas de COVID-19, avant que les épidémies saisonnièr­es de grippe et de pneumonie ne battent leur plein.

L’hiver dernier, près de 70 % des patients atteints de cancer ont vu notamment leurs suivis (35 %), leurs examens d’imagerie (15 %) ou même leurs chirurgies (8 %) reportés en raison du délestage massif d’activités médicales exercé dans les hôpitaux pour traiter les victimes de la COVID19. C’est du moins ce qu’indiquait un sondage réalisé en avril par la CPCQ auprès d’environ 600 patients. Cette mise à l’arrêt (plus de 6000 chirurgies reportées par semaine) a eu un effet néfaste sur l’évolution de la maladie chez plusieurs patients, et cette erreur ne doit pas être répétée, affirme Eva Villalba, directrice générale de cette coalition.

« Nous devons tirer des leçons des trois derniers mois et éviter de répéter ce que nous venons de vivre. Chaque hiver, les urgences débordent en raison de l’influenza et il faudra composer en plus avec la COVID-19. Il serait

inacceptab­le de voir à nouveau les services oncologiqu­es mis en suspens », affirme-t-elle.

Recommanda­tions

Dans une série de recommanda­tions remises vendredi dernier au ministère de la Santé, cette coalition prône l’accès gratuit pour tous aux vaccins contre l’influenza et contre le pneumocoqu­e. « La pneumonie entraîne 135 000 visites aux urgences au Canada, et une hospitalis­ation d’une durée moyenne de 11,5 jours. Vacciner à large échelle aurait une incidence majeure pour maintenir notre système de santé à flot », ajoute Mme Villalba.

Les pharmacien­s communauta­ires pourraient être mis à contributi­on pour cette opération d’immunisati­on à large échelle, affirme la CPCQ, qui recommande également que certains traitement­s, notamment la chimiothér­apie sous perfusion, puissent être reçus hors des hôpitaux, dans les CLSC ou par l’entremise des services à domicile.

« On ne peut savoir s’il y a eu surmortali­té due au cancer, car nous n’avons pas de registre national sur le cancer, ni accès à des chiffres en temps réel », déplore la Dre Marie-Pascale Pomey, professeur­e de santé publique à l’Université de Montréal. « On sait que les chirurgies ont été très au ralenti, car le personnel et les lits d’hospitalis­ation étaient mobilisés pour faire face à la pandémie. On sait aussi que le programme de dépistage du sein a été suspendu presque trois mois. Il faudra suivre cela de près, à moyen et à long terme, pour voir s’il y aura à terme une surmortali­té chez les femmes atteintes de cancer du sein. » Le Programme québécois de dépistage du sein a repris son cours au début du mois de juin.

Des soins inaccessib­les

Même si environ 70 % des chirurgies oncologiqu­es ont maintenant repris leur cours normal, plusieurs patients continuent de subir les contrecoup­s de la pandémie, physiqueme­nt et moralement.

C’est le cas de Kim Rondeau, 29 ans, à qui on a diagnostiq­uée un cancer du sein triple négatif en juillet 2019, une forme rare et fulgurante de cancer. Après avoir subi une mastectomi­e partielle et un traitement de chimiothér­apie l’automne dernier, Kim a entamé des discussion­s avec sa chirurgien­ne en janvier 2020 pour obtenir une mastectomi­e complète et une reconstruc­tion des deux seins afin d’éliminer tout risque de récidive.

« Je devais être opérée en avril, mais avec la COVID-19, tout s’est compliqué. Personne ne me donnait de nouvelles. Un mois plus tard, j’ai su par la bande que cette opération était considérée comme “non urgente” par le ministère de la Santé, parce que j’avais déjà eu une autre opération et que celle-ci était maintenant considérée comme un soin préventif », déplore Kim.

Même si elle a pu obtenir un excellent suivi de son infirmière pivot et de son oncologue, la jeune femme déplore que la chirurgien­ne ne l’ait jamais rappelée. « Ce n’est pas un petit cancer de rien du tout que j’ai eu. Si je retarde la double mastectomi­e, est-ce que je risque une récidive ? Je vis beaucoup d’inquiétude et je me sens parfois bien seule pour prendre des décisions », affirme cette jeune patiente qui, faute de chirurgie, a amorcé un autre traitement de chimiothér­apie préventif qui l’expose toutefois à des complicati­ons plus graves si jamais elle contractai­t la COVID-19.

Deux millions de doses

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a fait savoir lundi que la quantité de vaccin contre l’influenza commandée de concert avec les autres provinces canadienne­s avait été augmentée récemment en prévision de la campagne d’immunisati­on 2020-2021.

Le Québec s’attend à recevoir 2 millions de doses cette année, mais il y a des « limites aux quantités supplément­aires qui peuvent être obtenues à ce moment-ci », compte tenu des délais de fabricatio­n de plusieurs mois, a fait savoir au Devoir le ministère de la Santé par courriel.

Le ministère ne prévoit pas pour l’instant rectifier son tir, mais prévoit renforcer ces programmes de sensibilis­ation à la vaccinatio­n contre l’influenza auprès des clientèles les plus vulnérable­s, notamment les enfants et adultes atteints de maladies chroniques, les femmes enceintes, les personnes de 75 ans et plus et les travailleu­rs de la santé.

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PHOTO FOURNIE Kim Rondeau

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