Le Devoir

Le personnel de la santé et des services sociaux demeure à risque

- Texte collectif *

Plus de 13 600 travailleu­ses et travailleu­rs oeuvrant dans les établissem­ents publics du réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) ont contracté la COVID19 durant la première phase de la pandémie. Cela représente 25 % des 54 300 cas recensés au Québec (au 19 juin dernier). Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) invite à la prudence dans l’analyse de cette donnée, car certaines de ces personnes pourraient l’avoir contractée dans la communauté. Il demeure que cela représente 5 % des membres du personnel, 10 fois plus de personnes infectées que dans la population en général, toutes proportion­s gardées. C’est un lourd bilan.

Depuis le début de la crise, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publie des recommanda­tions en prévention de la santé et de la sécurité au travail. Comme l’explique l’INSPQ, ses recommanda­tions se fondent sur « les nouvelles connaissan­ces ». Ce sont par ailleurs celles qui sont mises en applicatio­n par le MSSS et par les établissem­ents de santé, lesquels estiment répondre ainsi à leurs responsabi­lités légales de protéger la santé et la sécurité de leur personnel. Le tout devrait être sous la surveillan­ce étroite de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), notamment par le déplacemen­t en personne des inspecteur­s dans les milieux de travail.

Tout cela aurait de quoi rassurer, si seulement ça fonctionna­it, ce qui n’est pas le cas, bien au contraire. Et pourtant, aucun changement de direction ne semble être envisagé, et ce, malgré nos interventi­ons multiples tant à l’INSPQ qu’à la CNESST et au ministère. On en conviendra, cela n’augure rien de bon pour l’avenir, notamment si une deuxième vague devait survenir.

À l’INSPQ, qui reconnaît d’ailleurs baser ses recommanda­tions sur une série d’études internatio­nales, tout en reconnaiss­ant que « le potentiel fréquent de biais parmi les études doit inciter à la prudence relativeme­nt à l’interpréta­tion des résultats et aux conclusion­s à tirer de la littératur­e contempora­ine », nous demandons d’appliquer le principe de précaution et de revoir l’ensemble de ses recommanda­tions, notamment pour tenir compte de la possibilit­é d’une transmissi­on aérienne du virus. Au MSSS, nous demandons de donner l’heure juste sur la disponibil­ité des équipement­s de protection ainsi qu’une complète transparen­ce des données existantes. À la CNESST, nous demandons qu’elle fonde son action sur l’applicatio­n du principe de précaution et qu’elle cesse de tolérer les compromis qui sont faits en matière de santé et de sécurité au travail, qu’elle utilise tous ses pouvoirs et qu’elle fasse appliquer la loi, en exigeant des employeurs du réseau de la santé et des services sociaux que des mesures efficaces de prévention soient déployées sans délai.

Il est urgent de protéger les personnes salariées, notamment en cessant les déplacemen­ts entre zones chaudes et zones froides, ainsi qu’en assurant l’accès aux équipement­s de protection individuel­le nécessaire­s, et ce, en quantité suffisante. Notre capacité collective de faire efficaceme­nt face à une deuxième vague en dépend. Nous ne pouvons plus attendre. Il en va de la sécurité de nos membres, et de celle de toute la population.

* Les signataire­s de ce texte sont: Benoit Bouchard, président (SCFP Québec); Judith Huot, première vice-présidente (FSSS-CSN); Véronique Lapalme, vice-présidente (APTS); Linda Lapointe, vice-présidente responsabl­e du secteur Santé et Sécurité du travail (FIQ); Claire Montour, présidente (FSQ-CSQ); Christian Naud, responsabl­e du dossier politique de la santé et sécurité au travail (FP-CSN); Sylvie Nelson, présidente (SQEES-FTQ)

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