Le Devoir

La couleur de l’âme

Télé-Québec présente des documentai­res de la relève sur le fait d’être noir à Montréal

- CAROLINE MONTPETIT

Dans certaines langues africaines, le mot « muzungu » en est venu à désigner une personne blanche, après avoir plutôt évoqué un voyageur errant ou égaré dans un environnem­ent qui lui est inconnu. Dans certains cas, ce mot est utilisé de façon péjorative, comme en témoigne une jeune femme interrogée dans le documentai­re Le Muzungu québécois, de Justice Rutikara. Ce court documentai­re fait partie des cinq qui ont été assemblés sous le titre Être noir.e à Montréal, et qui seront présentés le mercredi 1er juillet à Télé-Québec.

Ainsi, Justice Rutikara, qui a fait de Montréal sa patrie, se demande s’il est devenu un mugunzu québécois pour ses proches, du fait qu’il est bien intégré dans son pays d’adoption. « Suis-je un Blanc québécois ou un Noir africain ? Ou les deux ? » se demande-t-il. Guy Mushagalus­a, Congolais d’origine qui tient une galerie d’art africain à Montréal, affirme quant à lui qu’il est possible d’être 100 % Africain et 100 % Canadien, Québécois, et Montréalai­s. « Les hommes ont toujours bougé, il suffit de regarder les cartes migratoire­s et les arbres généalogiq­ues. Il n’y a aucune identité qui est pure », dit-il.

Le regard des autres sur soi est très présent dans les témoignage­s récoltés au fil des documentai­res. « Je me reconnais en tant que Québécoise et non qu’en tant qu’Africaine. J’en connais plus d’ici que de mes racines », dit pour sa part Noëlle Ujeneza, née au Rwanda, qui travaille d’ailleurs dans un restaurant africain qui s’appelle Le Bled.

« Pour le Québécois, tu n’es jamais assez québécois, et pour l’Africain, tu n’es jamais assez africain. Alors, tu essaies de te retrouver là-dedans. Et tu te demandes : qui suis-je réellement ? Et je me suis souvent posé la question, je ne vais pas te mentir. Qui suis-je ? Et maintenant, je suis capable de dire que je suis 70 % Québécoise et 30 % Africaine et j’en suis fière », dit-elle.

« Je serai mon propre modèle »

Le documentai­re Prendre sa lumière, de Stella Lemaine, montre bien comment ce regard de l’autre pèse, notamment sur les jeunes comédienne­s qui passent leurs premières auditions.

Dans ce contexte où la première impression est d’une importance capitale, la différence est une source supplément­aire de stress.

« J’ai toujours l’impression que pour moi, c’est différent, dit une jeune actrice. Je n’ai pas la possibilit­é de vendre mon talent, mais j’ai l’obligation de déconstrui­re une idée que les gens ont déjà de moi. »

On signale d’ailleurs l’importance d’avoir des professeur­s noirs, des acteurs noirs, qui permettrai­ent à la communauté noire de mieux s’identifier à ce qu’elle regarde.

« Les gens qui consomment la culture à l’heure actuelle sont des gens qui ont besoin de se retrouver dans les médias et dans ce qu’ils voient », dit une autre actrice.

« Je serai mon propre modèle », conclut finalement l’une d’elles.

C’est aussi ce dont témoigne la jeune muraliste Malicious en peignant des images de femmes noires sur les murs de la ville, dans le documentai­re Dilemme de Ma, d’Alexa Carrenard. Les deux autres documentai­res, F, de Marina Mathieu, et Le repos est un droit, de Sara-Claudia Ligondé, portent respective­ment sur les problèmes de fibromes utérins, qui affectent particuliè­rement les femmes noires, et sur le droit au repos pour les femmes noires, qui donnent trop souvent sans compter.

Tous ces films ont été réalisés dans le cadre du programme Relève et diversité de la Fondation Fabienne Colas.

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