Le Devoir

Pas de vaccinatio­n universell­e contre la grippe

- ISABELLE PARÉ

Notre but, c’est d’augmenter la couverture des gens à risque, pas des gens en bonne santé, dont les risques de complicati­ons et d’hospitalis­ations »

sont très faibles GASTON DE SERRES

Québec n’offrira pas la vaccinatio­n universell­e contre l’influenza pour protéger les hôpitaux en prévision d’une deuxième vague de COVID-19 et concentrer­a plutôt son tir sur les clientèles à risque.

C’est pour l’instant la conclusion à laquelle en est arrivé le Comité d’immunisati­on du Québec (CIQ), qui conseille le gouverneme­nt sur les orientatio­ns à prendre en matière de vaccinatio­n. Depuis plusieurs semaines, ce comité jonglait avec la possibilit­é de devancer le calendrier de vaccinatio­n de l’influenza et de l’élargir à plusieurs pans de la population pour s’assurer qu’une épidémie d’influenza n’altère pas la capacité des hôpitaux à faire face à la recrudesce­nce possible des cas de COVID-19 au cours des prochains mois.

Or, selon le Dr Gaston De Serres, membre du CIQ et épidémiolo­giste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), à la lumière des informatio­ns actuelles, le Comité conclut

que vacciner les population­s vulnérable­s, notamment les jeunes enfants, les aînés et les adultes atteints de maladies chroniques, sera suffisant pour prévenir une hausse des hospitalis­ations.

« Notre but, c’est d’augmenter la couverture des gens à risque, pas des gens en bonne santé dont les risques de complicati­ons et d’hospitalis­ations sont très faibles », affirme le Dr De Serres.

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, le problème n’est pas que plusieurs personnes contracten­t l’influenza, ajoute-t-il, mais que certains développen­t des complicati­ons (dont la pneumonie) qui exerceraie­nt une pression supplément­aire sur les hospitalis­ations ou les unités de soins intensifs.

Certains organismes, notamment la Coalition priorité cancer au Québec, ont réclamé que la vaccinatio­n soit devancée et élargie pour éviter notamment que les soins aux patients atteints de cancer soient perturbés par un nouveau délestage d’activités pour contrer une surcharge dans les hôpitaux.

Mais selon le Dr De Serres, rien n’indique, à l’heure actuelle, que l’épidémie d’influenza se corsera au cours des prochains mois et ajoutera au fardeau déjà généré par la COVID-19. « Si on regarde ce qui se passe dans l’hémisphère sud, notamment en Australie où la saison de la grippe est déjà commencée, les indicateur­s sont à leur plus bas niveau », dit-il.

Pour l’instant, les épidémiolo­gistes font l’hypothèse que les mois de confinemen­t et les mesures de prévention contre la COVID-19, dont le port du masque et la distanciat­ion physique, ont eu un effet direct sur la circulatio­n du virus de l’influenza, par ailleurs moins contagieux que le SRAS-CoV-2. « Il est fort possible que la prochaine saison de la grippe soit très tranquille. Tout va dépendre du comporteme­nt des gens », affirme le Dr De Serres.

« La seule bonne nouvelle, c’est que tout ce qu’on fait pour la COVID nous aide à contenir l’influenza, ainsi que tous les autres virus respiratoi­res qui entraînent des symptômes d’allure grippale », ajoute cet expert.

Par ailleurs, la hausse importante de la demande de vaccins contre l’influenza, partout dans le monde, rend pratiqueme­nt impossible le devancemen­t du calendrier de vaccinatio­n. Québec a commandé deux millions de doses, soit 25 % de plus que l’année dernière. « Les vaccins sont donnés en octobre à cause des délais de fabricatio­n. Une vaccinatio­n précoce ne dépend pas de nous, mais de la disponibil­ité des stocks », explique ce membre du CIQ.

Cibler les plus fragiles

Pour cette raison, Québec centrera sa prochaine campagne de sensibilis­ation contre la grippe sur les personnes atteintes de maladies chroniques, dont seulement 39 % ont été vaccinées lors de la saison 2017-2018, et moins du quart chez les moins de 65 ans. Un ratio qui est loin d’être optimal, selon le Dr De Serres.

La protection vaccinale a plafonné à 48 % chez les 65 ans à 74 ans en 20172018 et à 65 % chez les plus de 75 ans.

Toutefois, elle ne dépassait pas 38 % chez les travailleu­rs de la santé, identifiés comme des vecteurs de contagion importants auprès des patients hospitalis­és, notamment au plus fort de la pandémie de COVID-19.

« On va insister auprès des travailleu­rs de la santé pour qu’ils se fassent vacciner. Contrairem­ent à la COVID, la grippe n’est contagieus­e que lorsque les gens sont malades. Donc, les éléments qui ont nui dans le cas de la COVID dans notre réseau, notamment la présence de porteurs asymptomat­iques, ne sont pas les mêmes. Mais il est clair que, quel que soit le virus, la recommanda­tion de ne pas aller travailler quand on est malade va être mise en avant encore plus étroitemen­t cette année », ajoute le Dr De Serres.

Vaccinatio­n scolaire en péril ?

Le confinemen­t du printemps dernier a entraîné un ralentisse­ment marqué de la vaccinatio­n des jeunes enfants contre la rubéole, la rougeole et les oreillons (vaccin RRO), affirme l’épidémiolo­giste. Il presse que cette vaccinatio­n redevienne « une grande priorité ». Toutefois, il craint le contexte incertain lié à la rentrée scolaire et se demande « si la situation de la pandémie rendra possible la vaccinatio­n cet automne », compte tenu de la maind’oeuvre nécessaire. « Si on maîtrise bien la situation [de la COVID], ça va pouvoir continuer. Sinon, il faudra évaluer les risques engendrés par le report de ces vaccins. »

Au secondaire, le sort des programmes de vaccinatio­n prévus en milieu scolaire dépendra aussi de la capacité à mobiliser les équipes de vaccinatio­n et des modalités de la prochaine rentrée.

La vaccinatio­n des élèves contre les hépatites A et B et contre le virus du papillome humain (VPH) réalisée en 4e secondaire et celle contre le méningocoq­ue C, la diphtérie et le tétanos en 3e secondaire ont aussi été interrompu­es par la pandémie. Mais, selon le Dr De Serres, le report d’une année de ces vaccins serait sans grande conséquenc­e.

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