Le Devoir

Pas d’appel en Cour suprême pour les nations autochtone­s

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Nouveau revers judiciaire pour les communauté­s autochtone­s qui espéraient encore bloquer le projet d’agrandisse­ment de l’oléoduc Trans Mountain. La Cour suprême refuse d’entendre leur appel, qui visait à faire annuler la dernière approbatio­n de ce projet par Ottawa.

Justin Trudeau peut donc pousser un soupir de soulagemen­t, puisque l’expansion du pipeline peut se poursuivre. Mais ce répit pourrait être de courte durée, puisque les communauté­s autochtone­s préviennen­t déjà qu’elles étudieront les autres avenues judiciaire­s possibles.

Trois nations autochtone­s de la Colombie-Britanniqu­e s’étaient tournées vers le plus haut tribunal du Canada ce printemps, après une première défaite devant la Cour d’appel fédérale.

Les nations squamish, tsleil-waututh et la Coldwater Indian Band accusaient Ottawa de ne pas les avoir assez consultées avant d’approuver une seconde fois l’expansion de l’oléoduc. Toutes trois demandaien­t maintenant de pouvoir plaider leur cause auprès de la Cour suprême, mais cette dernière a rejeté leur demande d’autorisati­on d’appel jeudi — faisant en sorte que la décision de la Cour d’appel fédérale, jugeant l’approbatio­n d’Ottawa raisonnabl­e, prévaut. Comme toujours lors de cette étape judiciaire, la Cour suprême n’a pas détaillé les raisons de sa décision.

« À ceux et celles qui sont déçus aujourd’hui par la décision de la Cour, sachez que nous voyons et entendons votre consternat­ion », a déclaré le ministre des Ressources naturelles, Seamus O’Regan. « Le gouverneme­nt du Canada a à coeur de renouveler sa relation avec les peuples autochtone­s et comprend que les consultati­ons sur les grands projets ont un rôle crucial à jouer dans l’établissem­ent de cette relation renouvelée. Nous poursuivro­ns le dialogue avec les groupes autochtone­s à chaque étape du projet dans les mois et les années à venir », a-t-il assuré dans un communiqué.

Le chef de la Coldwater Indian Band, Lee Spahan, a cependant prévenu que, « malgré la décision [de jeudi], nous pouvons entamer d’autres actions judiciaire­s si notre eau n’est pas protégée ».

La cheffe de la nation tsleil-waututh, Leah George-Wilson, a ajouté qu’une « décision des tribunaux canadiens » ne changerait rien à l’opposition de sa communauté au projet Trans Mountain. « Notre propre loi autochtone est ce qui nous a conduits où nous sommes aujourd’hui », a-t-elle déclaré selon la CBC.

Malgré la décision [de la Cour suprême jeudi], nous pouvons entamer d’autres actions judiciaire­s si notre eau »

n’est pas protégée

LEE SPAHAN

Une longue saga

Les trois nations avaient réussi une première fois, il y a deux ans, à contester le feu vert d’Ottawa à l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. La Cour d’appel fédérale avait statué, en août 2018, que la consultati­on des communauté­s autochtone­s touchées par le projet avait été insuffisan­te.

Le gouverneme­nt de Justin Trudeau avait alors fait mener des consultati­ons plus spécifique­s auprès de certaines communauté­s. Les libéraux ont ensuite approuvé une nouvelle fois le projet de Trans Mountain (TMX) en juin 2019.

Toutefois, aussitôt cette décision annoncée, les nations autochtone­s avaient prévenu qu’elles la contestera­ient de nouveau. Elles déploraien­t que le second cycle de consultati­ons, sur six mois, ait été trop rapide et n’ait été que de façade puisqu’Ottawa avait déjà décidé d’aller de l’avant avec le projet.

La Cour d’appel fédérale a rejeté cet argumentai­re cet hiver, statuant dans une décision unanime qu’il « ne s’agissait aucunement d’une simple approbatio­n aveugle ». Les trois juges ont en outre écrit que l’obligation de consulter les communauté­s autochtone­s ne revient pas à une obligation de leur donner raison à l’issue de ces consultati­ons. « La jurisprude­nce indique clairement que, même si les peuples autochtone­s peuvent faire valoir leur opposition catégoriqu­e à un projet, ils ne peuvent se servir du processus de consultati­on comme tactique pour tenter d’y mettre un veto. »

L’agrandisse­ment du pipeline est déjà commencé. Le gouverneme­nt fédéral, qui a racheté l’oléoduc à la pétrolière Kinder Morgan en juin 2018, prévoit que les travaux seront terminés vers la fin de 2022.

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