Le Devoir

Les 100 kilos d’étoiles de Marie-Sophie Chambon

- CRITIQUE CINÉMA MANON DUMAIS

En 2014, Marie-Sophie Chambon, fascinée par les corps ne correspond­ant pas aux critères de beauté dictés par les magazines de mode, signe un premier court métrage, Princesse, où une fillette de sept ans découvre qu’à cause de son ventre rebondi, elle ne pourra jamais enfiler la robe de Cendrillon. La petite Loïs finira par se glisser dans un costume d’astronaute.

Quatre ans plus tard, la cinéaste poursuit sa réflexion sur les diktats de la beauté et l’acceptatio­n de soi dans son premier long métrage, 100 kilos d’étoiles, où elle remet en scène sa jeune héroïne, maintenant adolescent­e, qui rêve d’être astronaute. Or, Loïs (Laure Duchêne), élève modèle exceptionn­ellement douée pour les sciences, comprend que son embonpoint est un obstacle dans son désir de conquérir l’espace.

À force de ne plus manger, elle se retrouve dans une clinique où elle partage une chambre avec trois filles à qui la vie n’a pas fait de cadeau : Amélie (Angèle Metzger), qui se promène de foyer en foyer, est anorexique ; Stannah (Pauline Serieys), qui rêve du prince charmant, se déplace en fauteuil roulant ; et Justine (Zoé de Tarlé), qui voudrait vivre dans une grotte, souffre d’hypersensi­bilité magnétique. Ensemble, elles s’évaderont de leur prison afin de se rendre à Toulouse, où Loïs doit participer à un concours d’études spatiales.

Croisement entre le road movie et le récit d’apprentiss­age, 100 kilos d’étoiles a les défauts de ses qualités. Ainsi, les personnage­s adolescent­s qu’a imaginés MarieSophi­e Chambon, interprété­s avec naturel par les jeunes actrices, sont d’un réalisme confondant avec leurs humeurs changeante­s, leur cruauté, leur naïveté, leur idéalisme et leur défaitisme. À tel point que, par moments, on les trouve plus abrasives qu’attachante­s…

On trouve dans 100 kilos d’étoiles des scènes d’une criante vérité qui touchent droit au coeur. Ayant hérité de l’embonpoint de sa mère (Isabelle de Hertogh), Loïs aura des mots durs à son endroit, de même qu’envers son père (Martin Rebbot), à qui elle reproche d’avoir fait des enfants avec une obèse. Derrière la colère de Loïs, c’est tout son désespoir face à un monde qui n’accepte pas son physique hors-norme qui s’exprime, de même que la douleur qu’elle éprouve à blesser ceux qu’elle aime.

Dans un émouvant contrepoin­t à cette scène déchirante, le père ira d’une déclaratio­n d’amour à sa femme, célébrant avec tendresse et panache ses courbes qui le rendent fou de désir devant les clients d’un resto, les uns moqueurs, les autres attendris. Or, en voulant trop coller au réel, Marie-Sophie Chambon s’embourbe parfois dans un style morne, qui fait perdre tout éclat à ce film rempli de promesses. Ce qui ne l’empêche toutefois pas de signer de jolis moments de poésie.

Ainsi, pour illustrer l’immensité de l’univers, ses mystères et la fascinatio­n qu’il exerce sur Loïs, qui s’identifie à Jupiter, la plus grosse planète, Valentin Béchade et Antoine Delacharle­ry ont concocté des séquences abstraites quasi psychédéli­ques. La réalisatri­ce ponctue aussi le tout de moments oniriques où les jeunes filles semblent planer audessus de tout. Malgré tout le charme que possèdent ces plages lyriques, on aurait souhaité qu’elles soient moins sages afin de permettre au film de réellement prendre son envol. À l’instar de l’opiniâtre héroïne, qui n’est pas sans rappeler la conquérant­e adolescent­e de Jeune Juliette, d’Anne Émond.

100 kilos d’étoiles 1 / 2 Comédie dramatique de Marie-Sophie Chambon. Avec Laure Duchêne, Angèle Metzger, Pauline Serieys, Zoé de Tarlé, Isabelle de Hertogh et Martin Rebbot. France, 2018, 88 minutes

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