Le Devoir

Où en sont les vignerons ?

- BILLET JEAN AUBRY COLLABORAT­EUR

« Pour le moment, que du positif au vignoble », me signalait récemment Charles-Henri de Coussergue­s, oenologue et copropriét­aire du Domaine de l’Orpailleur, du côté de Dunham. La COVID-19 perturbe-t-elle actuelleme­nt d’une manière ou d’une autre la vie au vignoble, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs ? Je me propose, tout au long de l’été, de tendre le micro aux vignerons du monde entier en prenant le pouls de ce qu’ils vivent, selon la situation particuliè­re de leur vignoble, tout en me doutant bien que c’est l’homme, plus que la nature elle-même — qui n’en a cure, du fameux virus —, qui en demeure le maillon faible.

Puisqu’on parle de l’humain, comment l’Orpailleur gère-t-il la situation ? « Nous devions recevoir six travailleu­rs mexicains le 18 mars, mais les frontières ont été fermées la veille, le 17 mars. Nous avons placé une annonce et on a pu recruter 12 personnes qui ont travaillé avec nous durant sept semaines. Les conditions climatique­s de ce printemps ont été pour nous idéales. Le temps frais et sec que nous avons eu nous a permis de tailler sans trop de stress, les vignes ayant prolongé leur période de dormance », raconte Charles-Henri de Coussergue­s. « Les Mexicains ont repris le travail sept semaines plus tard, incluant la période de confinemen­t obligatoir­e. Le respect de la distanciat­ion de deux mètres n’a pas été un gros défi pour le travail dans les vignes », ajoute-t-il.

L’activité touristiqu­e et son corollaire économique ne sont pas en reste, comme l’avance M. de Coussergue­s, qui accuse tout de même le coup et garde le moral. « Sur le plan touristiqu­e, comme la dégustatio­n n’est pas autorisée jusqu’à présent, nous avons un peu moins d’achalandag­e, mais les ventes sur place sont aussi bonnes que l’année passée. Moins de monde, mais plus de ventes par client. C’est avec une grande impatience que le monde agrotouris­tique attend les consignes de la Santé publique pour la saison actuelle. Si la dégustatio­n est autorisée, nous allons devoir embaucher et former du personnel pour pouvoir respecter les consignes, et cela ne s’improvise pas et demande un certain laps de temps pour s’organiser ! »

Quant au nerf de la guerre, « même si nous avons perdu le secteur de la restaurati­on qui représente 25 % de nos ventes, ça se passe assez bien financière­ment. Les ventes en SAQ et en épicerie vont très bien pour la grande majorité des vignerons (70 % d’augmentati­on en SAQ). En plus d’un engouement pour nos vins depuis quatre ou cinq ans, le discours de François Legault sur l’achat local porte ses fruits. La majorité des consommate­urs sont de plus en plus fiers de mettre

La majorité des consommate­urs sont de plus en plus fiers de mettre le Québec dans leur verre, car la qualité des produits est au »

rendez-vous CHARLES-HENRI DE COUSSERGUE­S

le Québec dans leur verre, car la qualité des produits est au rendez-vous. De cette pandémie tragique pour bien des familles endeuillée­s, il sortira quelques côtés positifs, dont la découverte pour bon nombre d’individus de produits locaux ».

Un millésime ne ressemble jamais au précédent millésime. Comment la vendange 2020 se présente-t-elle par rapport aux autres années ? ai-je demandé à l’oenologue, qui en est à près de 40 vendanges derrière le sécateur. « Pour l’instant, lorsque l’on fait un comptage des grappes de boutons floraux dans nos divers cépages, on constate que les rendements sont prometteur­s, et ce temps sec nous est grandement favorable. La grande interrogat­ion est de savoir comment nous allons pouvoir nous organiser pour recevoir correcteme­nt les gens dans cette période grandement achalandée. Comment servir autant de gens en respectant la distanciat­ion ? Nous n’avons pas pour l’instant la réponse, la politique de la Santé publique concernant notre secteur d’activité n’étant pas encore connue. La dégustatio­n sera-t-elle autorisée ? À l’intérieur ? À l’extérieur uniquement ? Sous chapiteau ? Une chose est certaine, c’est qu’il va en coûter beaucoup plus cher pour servir adéquateme­nt nos visiteurs. »

À suivre…

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