Le Devoir

Le Cirque du Soleil marchait déjà sur un mince fil avant la pandémie

L’entreprise jongle avec de lourdes dettes et des pertes nettes depuis 2017

- DIVERTISSE­MENT JULIEN ARSENAULT

Avant l’éclosion de la crise sanitaire qui a paralysé ses activités, le Cirque du Soleil se trouvait déjà dans une position « vulnérable », selon le rapport du contrôleur qui supervise la restructur­ation de l’entreprise de divertisse­ment actuelleme­nt à l’abri de ses créanciers.

De 2017 à 2019, la compagnie a affiché des pertes nettes respective­s de 10 millions de dollars $US, 71 millions de dollars $US et 80 millions de dollars $US, souligne le document — uniquement disponible en anglais — de la firme Ernst & Young, qui a été mandatée dans le cadre du processus qui se déroule en vertu de la Loi sur les arrangemen­ts avec les créanciers des compagnies (LACC).

Parallèlem­ent, le Cirque s’est grandement endetté afin de réaliser plusieurs acquisitio­ns dans le but d’accélérer sa croissance et sa diversific­ation. Cela a contribué à faire passer ses revenus de 882 millions de dollars à 1,04 milliard.

« Au cours de cette période, la situation financière du demandeur s’est détériorée en raison des pertes subies et parce qu’il était de plus en plus endetté, est-il écrit. Cela a placé le demandeur dans une position vulnérable […] et a entraîné une détériorat­ion rapide de sa situation financière pendant la pandémie. »

En date du 31 mars, les diverses créances du Cirque totalisaie­nt près de 1,6 milliard US, selon un document déposé auprès de la Cour supérieure du Québec. Environ 885 millions sont dus à des créanciers garantis.

D’autres données

Au cours d’une entrevue téléphoniq­ue, lundi, le président et chef de la direction de l’entreprise, Daniel Lamarre, affirmait que la compagnie avait dégagé des profits de 155 millions de dollars US pour l’an dernier. Il s’agit cependant du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA), ce qui exclut des éléments comptabili­sés dans la perte nette. Le BAIIA a plutôt été de 120,5 millions l’an dernier.

« Avant la crise, nous respection­s toutes nos obligation­s, avait lancé le grand patron du Cirque, en voulant tempérer le poids de la dette. Aujourd’hui, même si j’avais 200 millions de dollars de dettes, je serais dans la même situation. Sans revenu, vous ne pouvez pas faire face à aucune obligation. »

Dans le cadre de la restructur­ation, les actionnair­es actuels de la société — le fonds texan TPG Capital, la firme chinoise Fosun et la Caisse de dépôt et placement du Québec — ont conclu une convention d’achat de 300 millions de dollars US, dans laquelle le prêt de 200 millions de dollars US offert par Investisse­ment Québec sera mis à contributi­on. Cette somme servira notamment à rembourser le financemen­t intérimair­e d’urgence de 50 millions de dollars US qui avait été octroyé par les trois actionnair­es du Cirque en mai dernier.

Il s’agit des conditions minimales à respecter si d’autres joueurs veulent soumettre une propositio­n visant à acquérir le Cirque, qui a licencié 3480 de ses employés qui avaient été mis à pied en mars dernier lorsque les 44 spectacles de la compagnie avaient été annulés.

En échange d’une restructur­ation de la dette, les créanciers recevront une dette non garantie de 50 millions de dollars US en plus de détenir 45 % du Cirque, ce qui fera fléchir les participat­ions des actionnair­es actuels à 55 %. TPG détiendrai­t ainsi 33 %,

Le Cirque a dû annuler ses 44 spectacles, en mars dernier, en raison de la pandémie. CIRQUE DU SOLEIL

tandis que Fosun et la Caisse auraient chacun 11 %.

Selon la propositio­n, dont la valeur totale est estimée à 420 millions, le siège social sera maintenu à Montréal et il est prévu que le grand patron du Cirque ainsi que son président du conseil d’administra­tion soient des résidents du Québec — ce qui est déjà le cas. On prévoit toutefois seulement des efforts « raisonnabl­es » pour rappeler les employés québécois qui ont perdu leur gagne-pain.

Advenant le dépôt d’une offre concurrent­e, celle-ci devra respecter une série de critères, dont un dépôt représenta­nt 5 % de la valeur de la convention intervenue entre le Cirque et ses actionnair­es actuels. M. Lamarre avait indiqué que « cinq ou six » groupes étaient toujours intéressés à mettre la main sur l’entreprise.

Dans la province, Québecor ainsi que le cofondateu­r de l’entreprise Guy Laliberté, qui avait vendu ses dernières actions à la Caisse en février dernier, avaient manifesté leur intérêt avant que le Cirque se tourne vers la LACC.

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