Le Devoir

Le combat exemplaire de l’Allemagne

En temps de pandémie, n’y aurait-il pas lieu que les provinces acceptent de laisser tomber leurs batailles de compétence­s si cela permettait que des vies humaines soient sauvées ?

- Huguette Gagnon

L’Allemagne a eu des résultats exceptionn­els jusqu’à maintenant dans le cadre de la pandémie. Par million d’habitants, son taux de décès est de 108, alors que le Canada a un taux de 229, le taux catastroph­ique du Québec (652) étant comptabili­sé dans le taux du Canada. L’autre province qui a un taux de décès élevé est l’Ontario, avec un taux de 262.

Une partie de la réussite de l’Allemagne s’explique par le dépistage précoce : des tests ont été faits à partir de février 2020 chez les personnes asymptomat­iques notamment (les cas confirmés se retrouvent surtout chez les 45-50 ans). Cependant, la façon de prendre les décisions en Allemagne explique aussi sa réussite.

La chancelièr­e, Angela Merkel, s’est adressée à la population pour donner des explicatio­ns sur la pandémie, mais toutes les mesures (confinemen­t, déconfinem­ent, etc.) ont été prises de concert avec les gouverneme­nts régionaux, qui correspond­ent aux gouverneme­nts des provinces au Canada.

Toutes les deux semaines, Mme Merkel tenait une conférence de 4 à 5 heures avec les chefs des gouverneme­nts régionaux pour discuter de la pandémie (mesures à prendre, etc.). Elle faisait une synthèse et les gouverneme­nts régionaux établissai­ent leur feuille de route en conséquenc­e. Les décisions de l’Allemagne ont donc été prises de manière concertée, consensuel­le, avec des gens d’allégeance­s politiques différente­s.

Ici, au Canada, M. Trudeau s’est gardé d’intervenir dans les champs de compétence des provinces et je sais qu’il lui était difficile de faire autrement, compte tenu des réactions bien connues des provinces à cet égard. En temps de pandémie, n’y aurait-il pas lieu que les provinces acceptent de laisser tomber leurs batailles de compétence­s si cela permettait que des vies humaines soient sauvées ?

Plus difficile au Canada

En procédant comme l’Allemagne, les provinces qui sont premières de classe contribuer­aient à ce que les dernières de classe connaissen­t leurs solutions et appliquent les bonnes décisions. Un seul exemple : on sait que, lors du premier décès survenu le 8 mars 2020 en Colombie-Britanniqu­e, cette province a procédé d’une manière efficace dans les CHSLD. Tous les employés et tous les résidents de ces établissem­ents ont été testés, dont les asymptomat­iques évidemment, et il a été interdit aux employés de travailler dans plus d’un établissem­ent (bilan de la Colombie-Britanniqu­e : 177 décès ; Québec : 5577).

Je ne comprends pas que le Dr Arruda et M. Legault n’aient pas suivi l’exemple de la Colombie-Britanniqu­e, mais si toutes les mesures avaient été prises au Canada de la même façon qu’elles l’ont été en Allemagne, soit en concertati­on (gouverneme­nt fédéral et gouverneme­nts provinciau­x), le Québec aurait nécessaire­ment appliqué ce qui a été fait en Colombie-Britanniqu­e le 8 mars 2020. Que de vies sauvées !

La manière actuelle de prendre des décisions au Canada a conduit à une différence de protection des personnes âgées qui vivaient dans les CHSLD selon la province où elles habitaient, car toutes les provinces n’ont pas offert le même degré de protection. Au Québec, alors qu’elles devaient être protégées en priorité, les personnes des CHSLD ont été oubliées. Si les décisions avaient été prises de concert avec M. Trudeau et les premiers ministres de toutes les provinces, je crois que ces personnes n’auraient pas été oubliées et que M. Legault aurait eu le conseil d’augmenter le personnel dans les CHSLD. Il est probable aussi que l’aide de l’armée lui aurait été offerte à ce moment-là, aide qu’il a tant tardé à demander, alors que plusieurs voix dans la population lui demandaien­t de le faire.

J’ai plus de 70 ans et je vis toujours dans mon domicile, mais s’il y avait une autre pandémie au Canada et que j’étais alors dans un CHSLD au Québec, je ne voudrais pas vivre ce que leurs résidents ont vécu en 2020. […]

Je sais que les provinces ont chacune des particular­ités, mais je crois qu’il est quand même possible qu’elles laissent tomber leurs batailles de compétence­s en temps de pandémie et qu’elles travaillen­t toutes de concert avec le fédéral, afin de sauver le plus de vies humaines possible.

Newspapers in French

Newspapers from Canada