Le Devoir

Des chefs et leurs fleurs

- JESSICA DOSTIE

On mange avec les yeux. Pas étonnant que les chefs soient si friands de fleurs comestible­s ! Et si leurs pétales délicats mettent de la couleur dans l’assiette, on les utilise aussi pour leur saveur tantôt poivrée, tantôt citronnée, ou subtilemen­t sucrée ; un peu comme une épice.

Dans les plats signés Jérôme Ferrer, chaque ingrédient est là pour une raison bien précise. « Je ne fais pas partie des cuisiniers qui vont mettre des fleurs simplement pour le côté esthétique », expliquet-il. Une de ses favorites, la tagette, rehausse particuliè­rement bien le foie gras au torchon. « Quand on la croque, c’est comme une explosion d’agrumes; pas tout à fait l’orange, mais plutôt la mandarine, ou la clémentine, voire le yuzu, des saveurs qui se marient aussi très bien dans un tartare de poisson. »

Isabelle Deschamps Plante aime pour sa part pimenter ses tartares de boutons de marguerite ou même d’hémérocall­es. « Une fois les boutons saumurés, ça ressemble à des câpres », décrit-elle.

Vivaces faciles à cultiver au Québec dans n’importe quelle platebande, les hémérocall­es sont tout aussi délicieuse­s en salade, croit la cheffe des cafés Ricardo. Avis que partage Noé Lainesse, propriétai­re du restaurant O’Thym depuis 15 ans maintenant. « Les pétales rappellent une petite laitue un peu sucrée », souligne-t-il.

À l’instar des fleurs de courgette, on peut aussi farcir les hémérocall­es. C’est facile, affirme Kimberly Lallouz. Sa recette classique inratable : mélanger de la ricotta (maison, c’est encore mieux !), un peu de parmesan, le zeste d’un citron et du basilic, puis en farcir les fleurs, qu’elle accompagne de sauce tomate.

La cheffe, aux commandes de plusieurs tables montréalai­ses, dont le Bird Bar, Monsieur et le restaurant du Musée d’art contempora­in, est tout aussi adepte des fleurs de ciboulette. « Parce que c’est tellement fort en goût, il suffit d’en mettre un tout petit peu pour aller très loin. C’est vraiment parfait pour rehausser un gaspacho ou une omelette, par exemple, et c’est tellement joli. » À vrai dire, on peut en mettre dans n’importe quel plat où on mettrait de la ciboulette.

Le secret, continue-t-elle, c’est de faire des tests et de « choisir les bons agencement­s ». D’autant que toutes les fleurs ne sont pas savoureuse­s, souligne Mme Lallouz ! Dans le doute, on y va avec des valeurs sûres, telles que les capucines, dont le goût poivré relève n’importe quelle salade, ou la monarde, que Noé Lainesse cuisine en vinaigrett­e avec ses asperges printanièr­es cette saison.

« Chaque petite fleur a son intérêt », résume Jérôme Ferrer.

Côté sucré

Isabelle Deschamps Plante ne manque pas d’idées quand vient le temps d’ajouter une touche florale à ses desserts. Quelques exemples : sa panna cotta infusée à la camomille, son gâteau aux bleuets imbibé de sirop de lilas ou son gâteau fraise, rhubarbe et chantilly au coquelicot. « Les gens ont peur que ça goûte le savon, mais on les utilise pour parfumer juste un peu », souligne-t-elle. Pour ne pas altérer le goût des fleurs, la chef pâtissière recommande par ailleurs de les faire infuser à froid dans un sirop ou de la crème afin que le goût reste doux. Après 24 heures, on filtre et le tour est joué !

Sa préférée demeure toutefois la fleur de sureau. « Ce n’est pas acide comme le fruit, mais juste un peu acidulé, avec un côté floral. » Mme Deschamps Plante en fait un sirop simple pour les cocktails ou pour imbiber des gâteaux.

Une autre favorite : le mélilot, cette fleur locale qui remplace avantageus­ement la vanille et qui, tranquille­ment, se démocratis­e. Oui, les possibilit­és sont quasi infinies !

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TWO FOOD PHOTOGRAPH­ERS Des chefs n’hésitent pas à ajouter une touche florale à leurs plats.

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