Le Devoir

Les fleurs magiques

Colin Firth joue un oncle bourru dans cette énième adaptation d’un classique anglais

- MANON DUMAIS

Après avoir incarné la version adulte de Colin Craven dans Le jardin secret, téléfilm d’Alan Grint en 1987, Colin Firth reprend cette fois le rôle qu’y tenait Derek Jacobi, soit celui du papa de Colin, lord Archibald Craven, homme bourru et strict ne s’étant jamais remis du décès de sa femme. Le pauvre homme verra toutefois son morne destin transformé par l’arrivée dans son opulente demeure de sa nièce Mary Lennox (Dixie Egerickx), enfant gâtée au caractère exécrable et d’une imaginatio­n débordante.

Écrit en 1911, le récit de Frances Hodgson Burnett, à qui l’on doit d’autres classiques jeunesse de la littératur­e anglaise, tels Le petit lord Fauntleroy et La petite princesse (magistrale­ment adapté par Alfonso Cuarón), est cette fois transposé en 1947. Petite Anglaise élevée en Inde, Mary a vu ses parents mourir du choléra et l’Inde et le Pakistan se livrer une guerre sanglante. À son arrivée en Angleterre, elle est témoin des ravages de la Seconde Guerre mondiale dans le coeur des résidents du manoir de Missel.

Dès lors, les scènes lumineuses illustrant le passé heureux de Mary, qui ne cesse de s’y réfugier pour oublier les horreurs de la guerre, font place à une succession de scènes à saveur gothique. Qu’a donc voulu faire Marc Munden, réalisateu­r rompu aux séries télé, de cet enchanteur récit initiatiqu­e sur le deuil et la résilience, un film d’horreur familial ? En voulant faire frémir les petits, le cinéaste alourdit inutilemen­t le film, qui souffre déjà d’un rythme léthargiqu­e.

Alors que la sévère gouvernant­e Mrs. Medlock (Julie Walters, qui revisite le rôle tenu par Maggie Smith dans la gracieuse version d’Agnieszka Holland de 1993) lui a interdit d’entrer dans certaines pièces, Mary découvre qu’elle a un cousin, Colin (Edan Hayhurst), gamin au visage blafard cloué au lit qui crie et pleure pour un oui, pour un non. Décidément, les enfants se révèlent plutôt détestable­s et peu attachants dans Le jardin secret. Quant aux acteurs qui les incarnent, ils sont davantage dans la rigidité que la spontanéit­é. Cela explique sans doute le manque flagrant de réelle émotion.

Lors d’une escapade, Mary fait la connaissan­ce d’un courageux garçon vivant en harmonie avec la nature et les animaux, Dickon (Amir Wilson). Ensemble, ils découvrent un mystérieux jardin interdit, au grand dam de l’oncle Archibald, qui menace d’envoyer la fillette au pensionnat.

Il y a de très jolies images dans Le jardin secret. Les oiseaux s’animent sur les tapisserie­s ; les fleurs éclosent dès qu’on s’approche d’elles ; les branches des arbres se meuvent au gré des mouvements des enfants escaladant les murs du jardin. Et les fantômes bienveilla­nts apparaisse­nt nimbés d’une douce lumière. Sans être à couper le souffle, les effets spéciaux parviennen­t à rendre féerique un lieu d’abord hostile.

Malgré cela, l’ensemble ne ravit qu’à moitié. Qui blâmer ? Le scénariste Jack Thorne qui réduit les personnage­s à leur plus simple expression ? Le metteur en scène Marc Munden qui néglige Colin Firth et Julie Walters, réduits à faire tapisserie en roulant de gros yeux ? Si la magie traverse le film, Le jardin secret demeure embourbé dans la morosité.

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