Le Devoir

Quand le passé revient

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Pour mémoire, Crash fut tourné au cours d’une période charnière de la carrière de David Cronenberg. En effet, ses premiers films, d’horreur et de science-fiction pour la vaste majorité, donnèrent naissance au courant horrifique dit de « body horror », ou horreur corporelle, avec parasites, transforma­tions et surtout mutations, le tout jumelé à des considérat­ions éthiques et philosophi­ques par l’entremise de l’archétype récurrent du savant fou. « Je n’ai pas inventé cette expression, mais j’avoue l’aimer », confie le cinéaste.

Or, à partir de Dead Ringers, Cronenberg s’éloigna graduellem­ent de l’horreur, demeurant rivé au corps, mais migrant vers l’esprit. Désormais, les transforma­tions dépeintes dans ses films sont davantage d’ordre psychologi­que (Spider, A History of Violence, Maps to

the Stars, etc.). En gardant cela en tête, et dans un contexte où l’on appréhende une seconde vague du coronaviru­s sur fond de souvenir récent de confinemen­t, deux films de David Cronenberg revêtent une pertinence renouvelée : ses premiers longs « officiels », Shivers (1975) et Rabid (1977). Ce, pour la seconde fois.

En effet, ces récits, respective­ment, de résidents d’un luxueux immeuble contaminés par des parasites qui engendrent une frénésie lubrique mortelle, et d’une jeune femme qui infecte d’un virus semblable à la rage la population après avoir reçu une greffe expériment­ale, furent décrits comme ayant anticipé la pandémie du VIH. Le même genre d’analyse peut être fait par rapport à la COVID. Rabid, en particulie­r, résonne tout particuliè­rement en ce moment puisque c’est la proximité physique qui permet à la patiente zéro de propager le virus.

« Ça m’est toujours un peu difficile de repenser à mes premiers films, car pour moi, c’était l’apprentiss­age du métier : je ne vois que les maladresse­s, le manque de finesse… Je me souviens des relations avec les producteur­s, le manque de budget, les conflits avec certains acteurs, le cas échéant… Sachant cela, c’est très gratifiant pour moi de voir que ces films continuent “d’exister” pour tant de cinéphiles qui se plaisent à y projeter toutes sortes de théories. C’est gratifiant. Et ça me dit que, peut-être, une certaine acuité, une certaine originalit­é aura compensé le manque de maîtrise. »

À noter que Shivers, tourné à L’Île-des-Soeurs, reparaîtra en Blu-ray le 15 septembre avec un tout nouveau commentair­e audio d’accompagne­ment auquel David Cronenberg a accepté de participer. En attendant sa toute première minisérie, Consumed, produite par Netflix.

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