Le Devoir

L’avenir politique de Sylvie D’Amours paraît incertain

- AFFAIRES AUTOCHTONE­S MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Le premier ministre François Legault a non seulement refusé de renouveler sa confiance envers sa ministre responsabl­e des Autochtone­s jeudi, mais il a de surcroît admis « être en train de regarder la situation » quant à la présence de Sylvie D’Amours au sein du conseil des ministres.

Le chef du gouverneme­nt a d’abord déclaré qu’à son avis, « ça n’avance pas assez vite, les suites aux recommanda­tions du rapport Viens » au sujet des relations entre les Autochtone­s et les services publics. Il a ensuite annoncé son intention de s’« impliquer personnell­ement » dans le dossier, non sans attribuer une part des retards aux demandes de certaines Premières Nations.

À un journalist­e qui lui a demandé si Mme D’Amours était encore la bonne personne pour occuper les fonctions de ministre responsabl­e des Affaires autochtone­s, François Legault a répondu : « Écoutez, je suis en train de regarder la situation. »

Selon nos informatio­ns, le cabinet du premier ministre a non seulement autorisé, mais aussi commandé au député Ian Lafrenière une vidéo au sujet de la mort de Joyce Echaquan sous des insultes racistes. Sur sa page Facebook, l’élu de Vachon — pressenti pour

remplacer Mme D’Amours au conseil des ministres — a exprimé le 30 septembre ses condoléanc­es à la famille de la jeune femme attikamek. Il y évoquait ses « amis attikameks » et terminait son allocution par un « Mikwetc » (« Merci » en langue attikamek).

Le cabinet D’Amours a de son côté envoyé cette journée-là un communiqué de presse au sujet du premier anniversai­re du dépôt du rapport Viens — en omettant de mentionner la mort de Mme Echaquan.

L’envoi de ce communiqué a en outre motivé la demande de démission qu’a alors formulée le Parti libéral du Québec. Cette communicat­ion est une « véritable insulte », avait déclaré la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade. Elle avait ajouté qu’à son avis, la ministre D’Amours n’avait « rien fait depuis un an » et n’était plus apte à être ministre.

Des performanc­es décevantes

Selon nos sources, la ministre D’Amours a été nommée aux Affaires autochtone­s parce que François Legault tenait à la remercier pour sa loyauté. Elle a été parmi les premières se joindre à sa formation politique. Or, ses performanc­es depuis son entrée en poste ont fait pâlir son étoile. Même des chefs autochtone­s se préparent en coulisses à l’arrivée de son successeur.

Ils s’insurgent de l’attitude « arrogante » qu’elle a affichée lors de certaines rencontres ; du fait qu’elle « nous parle avec son autorité comme si on n’était rien », selon les propos d’une personne l’ayant souvent côtoyée.

Pendant le blocus ferroviair­e au début de l’année, la discrète implicatio­n de la ministre avait été critiquée par des leaders autochtone­s. En août, elle avait aussi attribué les retards dans l’applicatio­n des recommanda­tions de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s (ENFADDA) et de la commission Viens à l’Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador. « Je n’ai pas besoin d’un 4e parti d’opposition », avait-elle déclaré au sujet de cette organisati­on, dont le chef est Ghislain Picard.

Dans une lettre ouverte publiée dans La Presse jeudi, d’anciens membres de la commission Viens ont par ailleurs critiqué les prétention­s du cabinet D’Amours au sujet de l’avancement du travail sur les 142 appels à l’action du rapport. « D’après nos vérificati­ons, nous pouvons affirmer que seule une infime minorité des appels à l’action ont été pleinement mis en oeuvre », ont-ils écrit.

Le secrétaria­t aux Affaires autochtone­s peine quant à lui à répondre aux questions sur la mise en oeuvre des appels à l’action du rapport Viens. Après plus d’une semaine, il est toujours incapable de dire au Devoir de quelle manière deux appels à l’action — sur l’instaurati­on de formations pour « favoriser la sensibilit­é, la compétence et la sécurisati­on culturelle » de « tous les cadres, profession­nels et employés susceptibl­es » — ont été appliqués. Pour toute réponse, le SAA fournit une liste d’appels à l’action pour lesquels « différente­s actions sont déjà prises ou en voie d’être prises », sans donner davantage de précisions.

« Ces recommanda­tions-là ne sont pas les plus faciles », a tenu à souligner le premier ministre Legault jeudi. « [Mais] moi, je souhaite que ça aille plus vite puis je vais m’impliquer personnell­ement », a-t-il assuré.

Au Salon bleu jeudi, la ministre D’Amours a attribué les retards dans l’applicatio­n des mesures du rapport Viens à la pandémie de COVID-19. « Le dernier rapport, c’est le miroir des 15 dernières années, et force est de constater qu’il n’y a rien qui avait été fait, rien qui n’avait été fait [...] pour et par les Autochtone­s », a-t-elle poursuivi. « J’ai voulu travailler d’une façon différente qui prend peut-être un peu plus de temps, mais qui va être fait par et pour les Autochtone­s. C’est fini, la façon colonialis­te de le faire », a-t-elle ajouté.

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