Le Devoir

L’assemblage, un art et une nécessité

- JEAN AUBRY COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Qu’ils proviennen­t des communes d’Ambonnay, de Sillery, de Cumières, de Vertus, de Rilly-la-Montagne ou encore de Damery et de Verzenay, pour n’en citer que quelques-unes, les « jus de terroirs » champenois résument dans le monde vinicole la consécrati­on suprême de l’art de l’assemblage. Chacune des nuances fusionnées constituan­t ici une finalité plus glorieuse encore que chaque substance prise séparément, à la manière des impression­nistes révélant la fine fleur de leur pinceau.

À cette « base artistique », le champenois, qui ne recule devant aucun défi, brouillera les pistes plus encore en affinant le tout par l’usage multiplié de vins de réserve (issus de plusieurs millésimes roupillant en cuve ou en fût) issus de chardonnay, de pinot noir et meunier, d’arbane, de petit meslier ou autres cépages parfois assemblés au millilitre près, histoire d’ajouter à la complexité de la cuvée. Ici l’art naît de la nécessité.

La notion d’assemblage est, à vrai dire, autant un art qu’une nécessité. L’exemple par excellence, à l’opposé de la réalité champenois­e, pourrait être un pinot noir ou un chardonnay de Bourgogne issu d’une même parcelle, vinifié dans un même foudre et embouteill­é à partir d’une tireuse à deux becs. Ce pourrait être un Vosne-Romanée 1er Cru Cros Parantoux d’Emmanuel Rouget, par exemple. Dans la bouteille, le millésime d’un seul vin, issu d’un lieu précis, sans assemblage. L’art se suffit ici à lui-même.

Mariez par contre gamay (85 %) et pinot noir issus de terroirs de cru du Beaujolais, de Bourgogne pinot noir et de Hautes-Côtes de Nuits, et voilà un assemblage parfaiteme­nt cohérent révélé par ce bourgogne « Les deux Terres » 2017 de Thibault LigerBelai­r (29,75 $ – 14556190 – (5) © ★★★ 1/2), un rouge souple d’une étonnante acuité fruitée, plutôt fin, construit sur l’élégance, la longueur.

L’art relève ici d’un assemblage de haut vol doublé d’une compréhens­ion non seulement de la personnali­té des différents gamays, mais de la complicité tacite et subtile de pinots noirs qui ajoutent au pedigree de la cuvée.

L’exemple de la ratatouill­e

Ne devient pas maître assembleur qui veut. Il peut décider d’assembler dans une même cuve différente­s parcelles d’un même cépage de son vignoble pour une meilleure synergie en cuve. Il peut de même assembler, selon la qualité de leur contenu, les barriques d’un même vin, déclassant par exemple le solde en second vin. Mais le vigneron a aussi le loisir d’assembler, après fermentati­on et pour une même cuvée, tel ou tel cépage en fonction d’une finalité rehaussée. Il apparaît dès lors que la nécessité de l’assemblage ne relève ni plus ni moins que de la démarche artistique.

Chacune des nuances fusionnées constitue une finalité plus glorieuse encore que chaque substance prise séparément, à la manière des impression­nistes révélant la fine fleur de leur pinceau

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