Le Devoir

L’impact des mesures de confinemen­t a été grandement exagéré

Une part de l’effondreme­nt de l’activité économique n’a pas été le fait des gouverneme­nts, mais le résultat des décisions individuel­les des citoyens

- ÉRIC DESROSIERS

Les règles de confinemen­t et autres mesures de protection des gouverneme­nts contre la COVID-19 n’infligent pas autant de dommages économique­s que l’on dit. En fait, elles les réduisent même plus elles sont strictes et imposées tôt. Cela signifie que le gros de l’impact de la pandémie vient d’ailleurs et que les effets de cette dernière ne finiront par disparaîtr­e qu’avec elle.

Depuis l’entrée en scène du nouveau coronaviru­s, les pouvoirs publics soupèsent sans cesse le meilleur moyen de freiner sa progressio­n sans trop plomber l’activité économique. Au terme de mois d’interdicti­on des voyages internatio­naux et des grands rassemblem­ents publics, de fermeture des commerces, des écoles et des bureaux, et même, parfois, de mesures de confinemen­t à la maison, la plupart des gens seraient probableme­nt portés à conclure qu’on a choisi de privilégie­r la lutte contre la maladie au prix de la pire récession économique depuis la Grande Dépression. Or, ces gens auraient tort, conclut le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) dans une analyse dévoilée jeudi. Ou du moins, pas tout à fait raison.

Se basant sur des données quotidienn­es sur les déplacemen­ts des population­s et les offres d’emploi, les chercheurs du FMI ont constaté que ces outils de lutte publique contre la COVID-19 n’ont globalemen­t compté que pour la moitié de la diminution de l’activité économique, voire pour un peu plus de 40 % seulement dans les pays industrial­isés, où une plus forte proportion de la population a accès au télétravai­l ainsi qu’à des économies personnell­es ou un filet social leur permettant plus facilement de faire le choix de rester à la maison.

Parce que voilà. Pour plus de la moitié du ralentisse­ment économique durant les trois premiers mois de la pandémie dans les pays riches, l’effondreme­nt de l’activité économique n’a pas été le fait des gouverneme­nts, mais le résultat des décisions individuel­les des citoyens de repousser le voyage qu’ils avaient prévu, de ne pas aller au restaurant pendant un temps, d’éviter autant que possible les commerces et le centre-ville, bref, de profiter de toutes les occasions offertes de rester chez soi de peur d’attraper ce terrible virus.

Le problème, c’est le virus

Cette constatati­on aide à comprendre pourquoi la reprise de l’activité économique est tellement molle lorsque les gouverneme­nts assoupliss­ent leurs restrictio­ns, souligne le FMI. En fait, cela montre qu’on ne peut pas espérer de véritable retour à la normale économique tant que la menace de la COVID-19 ne sera pas levée.

Or, en attendant qu’un vaccin ou un traitement médical lui porte un coup fatal, le moyen le plus efficace pour endiguer la propagatio­n du virus semble justement être les règles de confinemen­t et de distanciat­ion sociale des gouverneme­nts, notamment lorsqu’elles sont musclées et mises en place le plus tôt possible, constatent nos chercheurs. Ainsi, non seulement ces mesures de lutte ne sont pas les seules responsabl­es des effets économique­s de la pandémie à court terme, mais elles se révèlent, probableme­nt, les meilleurs moyens d’effacer au moins une partie de ces ravages en assurant les conditions d’une reprise économique à moyen et long terme. C’est le monde à l’envers.

Les victimes de la crise

Nos chercheurs ne savent pas encore si des moyens de lutte plus ciblés, comme des systèmes de tests et de recherche de contacts, l’imposition du port du masque, l’aide au télétravai­l, ou des règles de confinemen­t plus localisées, peuvent être aussi efficaces tout en étant moins dommageabl­es économique­ment. Ils notent aussi au passage que leur étude ne tient pas compte d’autres conséquenc­es négatives que peuvent avoir ces mesures de lutte, par exemple en matière de réussite scolaire ou de santé mentale.

Ce qu’ils savent toutefois, c’est que tous ne sont pas égaux devant la COVID-19, et que ses principale­s victimes économique­s sont notamment les femmes, les jeunes, les travailleu­rs vulnérable­s, les membres des minorités et les immigrants. Et comme le coronaviru­s continuera de peser sur la croissance et l’emploi tant qu’il n’aura pas été vaincu, que des mesures de confinemen­t et de distanciat­ion sociale soient imposées ou non par les gouverneme­nts, ces derniers se devront de continuer d’apporter de l’aide à ses victimes.

 ?? RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE ?? Au début de la crise sanitaire, les gens ont repoussé leurs voyages, certes, mais ils ont également évité autant que possible le centre-ville, les commerces, les restaurant­s et d’autres endroits où ils auraient pu contracter la COVID-19.
RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE Au début de la crise sanitaire, les gens ont repoussé leurs voyages, certes, mais ils ont également évité autant que possible le centre-ville, les commerces, les restaurant­s et d’autres endroits où ils auraient pu contracter la COVID-19.

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