Le Devoir

Des tests de CO2 dans les écoles dès mardi

- ALEXIS RIOPEL

Le ministère de l’Éducation du Québec s’est résolu à mesurer la concentrat­ion de CO2 dans certaines classes afin d’y estimer l’efficacité de la ventilatio­n. Cette décision a été annoncée vendredi en marge de la publicatio­n d’un rapport — considéré comme une coquille vide par l’opposition — traitant de la gestion de la qualité de l’air dans les écoles en date du 30 juin dernier, et non de sa qualité actuelle.

Le gouverneme­nt demande ainsi aux centres de services scolaires (CSS) de mesurer la concentrat­ion de dioxyde de carbone (CO2) dans quelques classes représenta­tives de leur parc immobilier dès mardi prochain. En cas de non-conformité, on dit vouloir procéder « rapidement » aux améliorati­ons nécessaire­s.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, ne recommande cependant pas l’installati­on de purificate­urs d’air portatifs dans les classes ni celle de sondes permettant une mesure en continu de la concentrat­ion de CO2.

« On va déjà au-delà des recommanda­tions de la Santé publique et de l’INSPQ en effectuant un échantillo­nnage, dit le ministre Roberge en entretien au Devoir. Je pense que déjà on va très, très loin. Si les résultats de l’échantillo­nnage nous amènent à reconsidér­er notre position [sur les capteurs permanents], on pourra toujours le faire. Mais je pense que l’essentiel, c’est de faire des tests qui soient sérieux, selon des protocoles approuvés par nos experts. »

Il y a deux semaines, une enquête du Devoir a montré que la concentrat­ion de CO2 dans certaines classes excédait d’environ 60 % les valeurs recommandé­es. Quand l’air n’est pas filtré, une forte concentrat­ion de ce gaz produit par la respiratio­n indique que des particules potentiell­ement infectieus­es peuvent rester en suspension.

Le protocole encadrant le nouvel échantillo­nnage devait être acheminé vendredi après-midi aux CSS. M. Roberge n’était pas en mesure de dire quelle cible serait fixée quant au nombre de classes à échantillo­nner.

Le ministère de l’Éducation attend aussi un rapport de la Santé publique

J’aurais souhaité qu’on nous donne une cible claire des objectifs à atteindre, pour qu’on regarde ensuite si on l’atteint ou pas

KATHERINE D’AVIGNON

sur la transmissi­on du coronaviru­s par voie aérienne. Les résultats des tests qui débuteront bientôt « nous aideront certaineme­nt à faire une lecture du rapport à venir qui sera plus éclairée, parce qu’on aura encore davantage d’informatio­ns qu’on en a aujourd’hui, avec des [valeurs] chiffrées », fait valoir M. Roberge.

Zones d’ombre

Selon la compilatio­n publiée vendredi, une « approche systématiq­ue de gestion de la qualité de l’air » a été adoptée dans la grande majorité des établissem­ents scolaires recensés. Une telle approche comprend des mesures telles que l’entretien des systèmes et le remplaceme­nt des filtres.

Dans les classes sans système de ventilatio­n mécanique — qui sont très nombreuses dans le réseau québécois, surtout au primaire —, l’approche systématiq­ue préconisée comprend surtout l’instaurati­on de consignes sur l’ouverture des fenêtres.

« Il n’y a pas beaucoup d’informatio­n additionne­lle amenée par ce rapport », souligne Katherine D’Avignon, une professeur­e de l’École de technologi­e supérieure. Cette spécialist­e des systèmes de ventilatio­n souligne que les CSS disent avoir établi des directives sur l’ouverture des fenêtres, mais qu’on ne sait pas si elles sont suivies.

Quant aux tests de CO2 qui doivent débuter bientôt, Mme D’Avignon ajoute qu’un « certain flou » persiste dans la documentat­ion gouverneme­ntale au sujet des critères permettant de juger de la qualité de l’air dans les classes sans ventilatio­n mécanique. « J’aurais souhaité qu’on nous donne une cible claire des objectifs à atteindre, pour qu’on regarde ensuite si on l’atteint ou pas », dit-elle.

Le rapport présenté vendredi a reçu un accueil froid de la part de la Centrale des syndicats du Québec, qui croit qu’il « escamote l’enjeu central de la qualité de l’air actuelle », et par Québec solidaire, qui parle d’une « véritable insulte à l’intelligen­ce ».

« Le ministre se met la tête dans le sable et on perd du temps précieux », affirme quant à elle Marwah Rizqy, la porte-parole libérale en matière d’éducation. Elle déplore que le rapport ne soit qu’un état des lieux sur les mesures en place, mais sans contenir la moindre informatio­n sur la qualité de l’air en tant que telle. « Revenez-nous avec un vrai rapport », demande-t-elle.

Patricia Clermont, la porte-parole du regroupeme­nt Je protège mon école publique, juge le rapport déconnecté de la réalité et s’interroge sur la rapidité avec laquelle les CSS pourront faire l’échantillo­nnage. « Est-ce qu’on est vraiment prêt à prendre des mesures de CO2 ? A-t-on des appareils ? A-t-on passé des commandes ? » se demande-t-elle, jugeant impératif de récolter des données avant le congé des Fêtes.

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GETTY IMAGES Il y a deux semaines, une enquête du Devoir a montré que la concentrat­ion de CO2 dans certaines classes excédait d’environ 60 % les valeurs recommandé­es.

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