Le Devoir

Le congédieme­nt de Vincent Ouellette ne suffit pas, selon d’anciens élèves

L’enseignant a été vivement dénoncé pour avoir proféré des propos racistes en classe

- GUILLAUME LEPAGE JESSICA NADEAU

D’anciens élèves de Vincent Ouellette, cet enseignant de l’école Henri-Bourassa congédié après avoir proféré des propos racistes et utilisé le mot en n en classe, jugent sa mise à pied insuffisan­te et examinent de possibles actions en justice.

« C’est une victoire, mais elle est partielle. C’est le strict minimum », réagit au bout du fil Gio Olmos, une ancienne élève de M. Ouellette. « Il est le symptôme d’un virus beaucoup plus grand, soit le racisme systémique », renchérit de son côté Cathy Ramirez, qui a elle aussi fréquenté la classe du professeur d’histoire.

Toutes deux sont membres du groupe Béliers solidaires, qui avait publié une série de témoignage­s d’anciens élèves encore ébranlés par les propos racistes que Vincent Ouellette a tenus au fil des années.

L’enseignant a été congédié jeudi par le Centre de services scolaire de la Pointede-l’Île (CSSPI). Il avait été suspendu de ses fonctions en octobre dernier.

« Le conseil d’administra­tion s’est réuni en séance extraordin­aire hier soir. Après mûres délibérati­ons, il a été résolu à l’unanimité de résilier l’engagement d’un enseignant identifié comme ayant le matricule 13 860, a indiqué la porte-parole du CSSPI, Valérie Biron. Nous ne sommes pas autorisés à commenter le contenu du dossier d’un employé », a-t-elle ajouté.

Le Syndicat de l’enseigneme­nt de la Pointe-de-l’Île (SEPI) a refusé de commenter le dossier de son membre. Vincent Ouellette n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.

Le professeur d’histoire avait fait les manchettes il y a environ un mois après avoir été filmé par un élève. Dans la vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, on pouvait l’entendre utiliser le mot en n à maintes reprises. Le centre de services scolaire avait alors déclenché une enquête interne.

Dans un courriel envoyé au Devoir, Vincent Ouellette s’était excusé pour ses propos.

Dans une autre vidéo publiée dans les jours suivants, plusieurs anciens élèves de cet enseignant, regroupés sous le nom des Béliers solidaires, ont témoigné que ce n’était pas la première fois que l’homme tenait des propos racistes en classe. Le centre de services avait alors élargi l’enquête pour tenir compte de leurs témoignage­s.

Le CSSPI avait aussi annoncé qu’elle souhaitait « revoir la diffusion de [son] processus de plainte auprès de tous les parents ». Le directeur de l’école a pour sa part « accepté un nouveau mandat au sein du CSSPI » comme directeur de l’école virtuelle à partir du 9 novembre, a confirmé le centre de services, qui refuse toutefois de préciser si ce nouveau mandat a un lien avec le dossier de M. Ouellette.

Mesures supplément­aires

« On demande toujours une enquête externe sur la direction de l’école », insiste Gio Olmos. À ses yeux, l’« inaction » de l’établissem­ent et sa « banalisati­on des torts causés » par cet enseignant ont permis l’instaurati­on d’un « climat d’intimidati­on » pendant des années.

Cathy Ramirez abonde dans le même sens. Elle garde en mémoire un professeur ayant proféré en pleine classe des propos racistes, sexistes et islamophob­es. « Il s’attaquait beaucoup aux filles, surtout celles qui portaient le voile », avance la jeune femme. À l’époque, sa mère s’était plainte à la direction lors d’une rencontre de parents, mais elle n’a jamais su si cela avait mené à des sanctions — à l’instar de plusieurs autres élèves, a révélé Le Devoir.

Le groupe Béliers solidaires milite pour des changement­s profonds dans le rôle du Protecteur de l’élève. Il réclame entre autres un processus de traitement des plaintes indépendan­t des centres de services scolaires. Le groupe entend d’ailleurs présenter une pétition en ce sens à l’Assemblée nationale. La députée libérale Paule Robitaille les épaule dans cette démarche.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, s’est engagé à renforcer le Protecteur de l’élève d’ici la fin de son mandat, à l’automne 2022.

« On ne doit pas perdre de vue l’enjeu global, qui est de faire en sorte que le milieu scolaire soit plus sécuritair­e pour tous les élèves racisés et autochtone­s du Québec », martèle Gio Olmos. Le cas de Vincent Ouellette n’est pas unique dans la province, avance-t-elle. « On a reçu des témoignage­s d’élèves qui vivent le même genre de situation dans d’autres écoles. »

À ses yeux, une formation « antiracist­e » est plus que nécessaire pour les futurs enseignant­s. « Ils doivent prendre conscience de leur rôle dans la constructi­on d’une société inclusive », plaide-t-elle.

Le groupe Béliers solidaires est en discussion avec le cabinet Arsenault Dufresne Wee pour intenter des poursuites judiciaire­s, possibleme­nt contre le CSSPI. « On est toujours en préparatio­n de dossier », a fait savoir l’avocate Virginie Dufresne-Lemire.

« Normalemen­t, notre objectif est de déposer quelque chose à la cour », a-t-elle ajouté, ne voulant fournir plus de détails.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le groupe Béliers solidaires milite pour des changement­s profonds dans le rôle du Protecteur de l’élève.

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