Le Devoir

Les liens du sang

Diane Lane et Kevin Costner affrontent Lesley Manville dans le western Let Him Go

- FRANÇOIS LÉVESQUE

Le film Let Him Go, c’est d’abord un western crépuscula­ire aux accents romantique­s contant le quotidien d’une propriétai­re de ranch et de son shérif à la retraite de mari. C’est ensuite une saga familiale relatant les démarches désespérée­s de ces derniers pour retrouver leur petit-fils après le remariage de leur bru avec un homme violent dans la foulée du décès de leur fils unique. C’est, enfin, un thriller vengeur culminant par une inévitable confrontat­ion avec la matriarche malveillan­te de ce clan ennemi. Bref, à chaque acte sa teneur distincte. Cela, généraleme­nt pour le meilleur, mais parfois, aussi, pour le pire…

Car l’ensemble, malheureus­ement, et outre qu’il ne ménage guère de surprises narratives, manque de cohésion. En effet, les changement­s dramatique­s qui surviennen­t à mesure que progresse Let Him Go (L’un des

nôtres) créent presque l’illusion de changement de films successifs. Ainsi, à titre d’exemple, la première partie bénéficie-t-elle d’un traitement quasi contemplat­if du mode de vie de Margaret et George, qui partagent leur demeure avec leur fils James, sa femme Lorna et leur bébé Jimmy. Ici, la direction photo inspirée de Guy Godfree (Maudie) confère au tout un surcroît de poésie.

Même après le départ forcé de Lorna, cette approche sensible prévaut. C’est dans cette portion-là que Diane Lane et Kevin Costner brillent tout spécialeme­nt, unis qu’ils sont par une complicité silencieus­e mais palpable. Lane, en particulie­r, livre une performanc­e vraiment émouvante, pleine de nuances et de regards parlants.

Puis, viennent les complicati­ons sous la forme du violent Donnie, nouveau mari que Lorna a épousé sans amour. Les démarches de Margaret, qui finit par convaincre George de s’en mêler, pour retrouver Lorna et Jimmy après que Donnie les eut emmenés, constituen­t la seconde partie du film : la plus longue, dans tous les sens du terme. Si prenante au commenceme­nt, cette espèce de langueur, de goût pour la demi-teinte, s’avère hélas en opposition avec le suspense que le film tente alors d’instiller. L’action suggère l’émergence d’un sentiment d’urgence, mais la manière dissipe celui-ci à chaque détour.

De loin la plus divertissa­nte, la troisième partie est également celle qui paraît le plus émaner d’un film différent. Certes inéluctabl­e, l’affronteme­nt est sanguinole­nt, au point où l’on se met à lorgner du côté de la série B. C’est en soi fort efficace et porteur de catharsis, mais l’ennui est que Let Him Go a tout du long choisi d’afficher des velléités artistique­s plus élevées. De telle sorte que, aussi réjouissan­te que soit l’explosion de violence finale, elle n’en jure pas moins avec tout ce qui a précédé.

L’atout Lesley Manville

Cela étant, hormis sa belle facture et la qualité du jeu de Diane Lane et Kevin Costner, le film a un atout de taille : Lesley Manville. Fabuleusem­ent inquiétant­e en variation de Ma Dalton trônant sur une fratrie de cinq fils, Manville en fait juste assez pour voler la vedette sans pour autant verser dans la caricature. Une habituée du cinéma de Mike Leigh, elle était brillante en soeur sibylline de Daniel Day-Lewis dans Phantom Thread (Le

fil caché), de Paul Thomas Anderson. Et qui l’a vue en tenancière de maison close machiavéli­que dans la série

Harlots sait combien elle peut composer une antagonist­e de haut vol.

Lors de son entrée en scène tardive, l’actrice britanniqu­e injecte une dose bienvenue d’adrénaline à un film qui, par contraste, encore un, donne soudain l’impression d’avoir jusque-là été un brin trop léthargiqu­e.

On l’évoquait, la réalisatio­n de Thomas Bezucha est très soignée, et atteste en l’occurrence un souci formel absent de ses films précédents : la romance jeunesse Monte Carlo et la comédie dramatique des Fêtes The

Family Stone, une autre production, tiens, où des parties disparates se révélaient meilleures que leur somme.

L’un des nôtres (V.F. de Let Him Go)

Drame de Thomas Bezucha. Avec Diane Lane, Kevin Costner, Lesley Manville. États-Unis, 2020, 114 minutes.

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FOCUS FEATURES Kevin Costner et Diane Lane

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