Le Devoir

Sarkozy dénonce des infamies à son procès

- ANNE LEC’HVIEN ET ANNE-SOPHIE LASSERRE À PARIS AGENCE FRANCE-PRESSE

L’ancien chef de l’État français Nicolas Sarkozy a dénoncé lundi des « infamies » au cours de son procès pour corruption, sans précédent sous la Ve République en place depuis plus de 60 ans.

Appelé à la barre pour la lecture des infraction­s qui lui sont reprochées, l’ex-président (2007-2012) s’est insurgé, dans ses premiers mots au tribunal correction­nel de Paris, contre les « infamies » dont il se dit la cible « depuis six ans ». Il s’est ensuite assis près de ses deux coprévenus : l’avocat Thierry Herzog et l’ancien magistrat Gilbert Azibert.

Pendant les six heures de contestati­ons procédural­es, Nicolas Sarkozy, jambes croisées et mains jointes devant lui, a souvent opiné du chef aux arguments soulevés par son camp.

Dans ce dossier, il est soupçonné d’avoir, avec Thierry Herzog, tenté de corrompre Gilbert Azibert, alors en poste à la Cour de cassation, la plus haute juridictio­n judiciaire, pour peser sur une autre affaire.

L’avocate de Nicolas Sarkozy, Jacqueline Laffont, a commencé à plaider la « nullité de la procédure tout entière », en raison, selon elle, de « nombreuses dérives » et de « violations répétées, graves » des droits de la défense.

Jamais un ex-président français n’avait été jugé pour corruption depuis que le général de Gaulle était revenu au pouvoir, en 1958. Avant Nicolas Sarkozy, 65 ans, un seul ancien chef de l’État, Jacques Chirac, avait été condamné, en 2011 dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, dont il avait été le maire. Mais sans avoir jamais comparu devant ses juges, pour des raisons de santé.

Ligne officieuse

Retiré de la politique depuis sa défaite à la primaire de la droite fin 2016, mais toujours très influent chez Les Républicai­ns (droite), Nicolas Sarkozy encourt une peine de dix ans de prison et d’un million d’euros d’amende pour corruption et trafic d’influence, comme ses coprévenus, qui sont jugés en sus pour violation du secret profession­nel. Ils contestent aussi toute infraction.

Selon l’accusation, Nicolas Sarkozy cherchait à obtenir des informatio­ns couvertes par le secret, voire à peser sur une procédure engagée devant la Cour de cassation liée à un dossier — l’affaire Bettencour­t — dans laquelle il avait obtenu un non-lieu fin 2013.

En contrepart­ie, il aurait donné un « coup de pouce » à Gilbert Azibert pour un poste de prestige convoité par ce dernier à Monaco, mais qu’il n’a in fine jamais obtenu.

Cette affaire a surgi d’un autre dossier qui concerne depuis des années l’ex-chef de l’État : celui des soupçons de financemen­t libyen de sa campagne présidenti­elle de 2007, qui lui vaut une quadruple mise en examen.

Dans le cadre de ces investigat­ions, les juges avaient découvert en 2014 l’existence d’une ligne téléphoniq­ue officieuse entre l’ancien président et son avocat, Thierry Herzog, ouverte sous le nom de « Paul Bismuth ».

Les conversati­ons intercepté­es sur cette ligne sont au coeur du dossier des « écoutes » : elles sont la preuve, pour l’accusation, d’un « pacte de corruption ».

Écarter les écoutes

Lundi, la défense s’est aussi attaquée à l’affaire « bis », celle des « fadettes » (relevés d’échanges téléphoniq­ues) : une enquête préliminai­re diligentée pour dénicher l’éventuelle « taupe » qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog qu’ils étaient écoutés par la justice sur la ligne « Bismuth ».

Dans cette enquête parallèle, classée sans suite près de six ans après son ouverture, le parquet national financier — qui représente l’accusation à l’audience — a épluché les factures téléphoniq­ues détaillées de plusieurs ténors du barreau parisien, une entorse majeure au secret profession­nel et à la vie privée des avocats, selon les conseils des prévenus.

Le procès s’était ouvert le 23 novembre, mais avait été aussitôt suspendu pour trois jours.

Gilbert Azibert, 73 ans, avait sollicité le renvoi de l’audience, invoquant sa santé fragile dans le contexte de la pandémie. Cette requête avait été rejetée jeudi après une expertise médicale.

Un autre rendez-vous judiciaire attend Nicolas Sarkozy au printemps : le procès dans l’affaire Bygmalion sur ses frais de campagne pour l’élection présidenti­elle de 2012.

Jamais un exprésiden­t français n’avait été jugé pour corruption depuis que le général de Gaulle était revenu au pouvoir, en 1958

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