Le Devoir

L’Iran accuse le Mossad

Le physicien nucléaire assassiné vendredi a été victime d’une opération « complexe »

- AHMAD PARHIZI À TÉHÉRAN AGENCE FRANCE-PRESSE

L’Iran a affirmé lundi que son éminent physicien nucléaire assassiné vendredi avait été victime d’une opération « complexe » impliquant des moyens « complèteme­nt nouveaux » et en a accusé le Mossad, les services secrets israéliens, et un groupe d’opposition interdit.

Avec un protocole digne des plus grands « martyrs » de la République islamique d’Iran, les autorités ont aussi rendu un dernier hommage à ce scientifiq­ue, Mohsen Fakhrizade­h, et promis de poursuivre son oeuvre.

Présenté post-mortem comme un vice-ministre de la Défense et chef de l’Organisati­on de la recherche et de l’innovation en matière de défense (Sépand), Fakhrizade­h a été tué selon les autorités à l’est de Téhéran dans une attaque au véhicule piégé suivie d’une fusillade contre sa voiture.

Peu de détails ont émergé sur les circonstan­ces exactes de l’attaque. Selon le fils du savant, la femme de celui-ci était dans la voiture avec son mari, mais en est sortie vivante. Des informatio­ns initiales sur de possibles autres morts n’ont jamais été confirmées.

Parlant en marge des funéraille­s du savant, l’amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, a évoqué « une opération complexe avec un recours à du matériel électroniq­ue ». Les Moudjahidi­ne du Peuple, un groupe d’opposition en exil, « ont forcément dû être impliqués », mais « l’élément criminel dans tout cela est le régime sioniste et le Mossad », a-t-il affirmé, estimant également que Fakhrizade­h était dans le viseur de l’« ennemi » depuis « 20 ans ».

Sans citer de sources, l’agence de presse iranienne Fars a affirmé que l’attaque avait été menée à l’aide d’une « mitrailleu­se automatiqu­e télécomman­dée » et montée sur un pick-up Nissan. Citant une « source informée », Press TV, chaîne d’informatio­n en anglais de la télévision d’État, a rapporté que des armes récupérées sur les lieux de l’attaque avaient été « fabriquées en Israël ».

« Rester inconnu »

En Israël, les autorités n’ont pas réagi aux accusation­s de Téhéran.

Le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, avait présenté en 2018 le scientifiq­ue assassiné comme la tête d’un programme nucléaire militaire secret dont l’Iran a toujours nié l’existence. À Beyrouth, le ministère des Affaires étrangères a condamné l’assassinat, et appelé lundi « à la plus grande retenue pour éviter de glisser vers le scénario du pire dans la région ».

Mohsen Fakhrizade­h fait partie de ces hommes pratiqueme­nt inconnus accédant à une notoriété posthume. On en sait peu sur lui, mais une chose est sûre : il était important.

« Si nos ennemis n’avaient pas commis ce crime ignoble et versé le sang de notre cher martyr, il aurait pu rester inconnu », a déclaré le ministre de la Défense Amir Hatami, incapable de contenir ses larmes aux côtés de la

En Israël, les autorités n’ont pas réagi aux accusation­s de Téhéran

dépouille du physicien, lors d’une cérémonie au ministère de la Défense à Téhéran. Mais aujourd’hui il « est révélé au monde entier ».

La dépouille a été honorée samedi et dimanche à Machhad et Qom, deux lieux saints chiites, comme l’avait été en janvier celle du général iranien Qassem Soleimani, éliminé par Washington en Irak.

Le portrait du général « martyr » était placé près du cercueil à côté de celui du scientifiq­ue. Ce dernier a accompli un « travail considérab­le » dans le domaine de « la défense antiatomiq­ue » et le gouverneme­nt a « doublé le budget de Sépand », a dit le général Hatami.

« Châtiment décisif »

La prière mortuaire a été dirigée par Ziaoddine Aqajanpour, représenta­nt du guide suprême Ali Khamenei. « Nous ferons preuve de patience […] mais notre nation exige d’une seule voix un châtiment décisif » contre les responsabl­es de l’assassinat, a-t-il lancé.

La dépouille du scientifiq­ue a ensuite été portée en terre à l’ImamzadehS­aleh, sanctuaire à Téhéran où reposent deux autres scientifiq­ues assassinés en 2010 et 2011. Ces meurtres aussi ont été attribués à Israël.

Après avoir désigné Israël, le président iranien, Hassan Rohani, a promis samedi une riposte « en temps et en heure » à la mort de Mohsen Fakhrizade­h.

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