Partir en vacances à deux pâtés de maisons
Le concept de vacances sédentaires (staycation) suggère de prendre du bon temps à quelques pas de la maison au lieu de voyager à l’extérieur. Une façon de redécouvrir sa ville qui est tout à fait d’actualité en cette période de grands bouleversements. Tour d’horizon et récit d’un voyage tout près qui peut transporter bien plus loin.
Le taxi s’arrête devant la porte de l’appartement du Plateau Mont-Royal. Manteaux chics, sacs de voyage en cuir et talons hauts, le couple qui monte à bord s’offre le grand jeu : « Ritz-Carlton, s’il vous plaît. » À peine dix minutes plus tard, le chauffeur arrête sa voiture Téo devant l’impressionnant hôtel cinq diamants de la rue Sherbrooke. Ce soir, ils font l’expérience de la formule staycation, un type de séjour hyper-local où l’on célèbre sa ville.
Les Montréalais ne comprennent peut-être pas que de grands hôtels comme le Ritz-Carlton, ouvert en 1912, sont de véritables parenthèses dans le temps, accessibles à quelques minutes de la maison.
« Pour nous, le luxe, c’est d’accueillir tous nos clients avec une générosité authentique, leur offrir les meilleurs services, les connaître par leur nom » « La crise nous a apporté un retour aux racines et notre sentiment de montréalité doit être exprimé »
« Nous offrons le staycation depuis le mois d’août, soit depuis la réouverture, afin d’offrir une expérience adaptée à une clientèle catégoriquement plus locale qu’avant la pandémie, explique François Parmentier du Ritz-Carlton. Nous sommes passés d’une approche internationale et nord-américaine à une approche purement canado-québécoise. »
S’offrir l’expérience du grand luxe
Dans la chambre avec foyer soigneusement préparée, une enveloppe attend le couple. Un simple mot de bienvenue personnalisé. Les amoureux se délecteront d’un somptueux repas signé Maison Boulud livré en trois services à la chambre. Sur une trame sonore où cohabitent Frank Sinatra, Louis Amstrong, Rosemary Clooney et Ella Fitzgerald, ils referont le monde, un sourire à la fois, en ayant presque l’impression d’être attablés au restaurant.
Au réveil le lendemain, vêtus d’épais peignoirs griffés, les voyageurs dégustent café et croissant adossés au large rebord de la fenêtre, se perdant dans le décor d’une ville qui pourrait être New York, Londres ou Paris. Ici, comme dans bien d’autres hôtels du centre-ville, on accueille donc des Montréalais ou des Québécois des environs de Montréal qui s’offrent une expérience hors du commun pour briser la routine. « Ils ont toujours voulu faire l’expérience du Ritz-Carlton sans jamais en avoir eu l’occasion. Ils profitent de cette offre adaptée et viennent ici en couple ou en famille pour changer de décor et vivre des moments exceptionnels. »
L’attention est dans les détails pour ces hôtels chics et luxueux qui pourraient malgré tout sembler inabordables pour bien des Montréalais. « Nous essayons de personnaliser l’expérience pour faire vivre des moments uniques à chacun de nos invités. Pour nous, le luxe, c’est d’accueillir tous nos clients avec une générosité authentique, leur offrir les meilleurs services, les connaître par leur nom. Si les clients quittent notre établissement avec le sentiment d’avoir vécu un séjour unique et mémorable, nous avons réussi notre pari », assure François Parmentier.
Grands déploiements à petite échelle
Si les hôteliers multiplient les efforts pour attirer une clientèle locale et pallier le manque de voyageurs nationaux et internationaux, l’équipe de Tourisme Montréal s’est elle aussi ajustée à la nouvelle réalité. Habituée à déployer des efforts sur les territoires étrangers pour vanter les attraits de Montréal, l’organisation s’est vue forcée par la pandémie à revoir sa stratégie. « On a beaucoup appris des derniers mois. On essaie de maintenant voir notre site Web comme une plateforme touristique par les Montréalais, pour les Montréalais », explique Manuela Goya, vice-présidente au développement de la destination et des affaires publiques chez Tourisme Montréal, qui voit dans les séjours hyperlocaux une occasion intéressante pour les hôtels de la métropole. Pour Tourisme Montréal, la formule de séjours organisés à l’échelle locale, comme c’est le cas avec le
staycation, s’inscrit dans le développement d’une stratégie durable, d’autant plus qu’un virage vers les Montréalais avait été amorcé avant la pandémie : « On voulait se rapprocher des Montréalais, faire le pari d’une approche plus globale où ils sont plus impliqués et prennent part à aux stratégies touristiques que l’on déploie, souligne Manuela Goya. La crise nous a apporté un retour aux racines et notre sentiment de montréalité doit être exprimé. L’aprèsCOVID fera en sorte que nous aurons davantage interagi avec notre voisinage, notre quartier, notre ville. »
De retour dans le hall de l’hôtel, le couple attend le taxi qui les ramènera à la maison. Il lui tient la main devant un portrait d’Audrey Hepburn réalisé par Russel Young avec de la poussière de diamants. Elle et lui se feront la promesse de revenir visiter pour un jour et une nuit La Grande Dame, comme jadis on surnommait ce majestueux hôtel de Montréal. Et Frank Sinatra chante en boucle « Fly me to the moon… »