Le Devoir

Améliorer le financemen­t de la francisati­on

- Marion Weinspach Cofondatri­ce de LEFEP coop

Comme le mentionnai­t Brian Myles dans son éditorial du 3 avril dernier, « il est temps de réinventer les programmes de francisati­on […] tout en prenant un virage “qualité” ». Pour nous, équipe de la coopérativ­e LEFEP, qui formons les profession­nels allophones au français spécialisé, des cours répondant véritablem­ent aux besoins des immigrants sont essentiels pour leur motivation, leur réussite profession­nelle et une intégratio­n réussie.

Or, dans le système actuel, les apprenants ne peuvent accéder à la francisati­on de spécialité, en fonction de leur domaine de travail, qu’à partir du niveau intermédia­ire. Un immigrant diplômé en pharmacie se doit-il d’apprendre, tel un élève, le nom des animaux de la ferme ? N’est-il pas plus important qu’il apprenne le nom des principes actifs des médicament­s ? De tels cours de français, adaptés au milieu de travail de la personne, devraient être accessible­s à tous et beaucoup plus tôt dans le parcours d’apprentiss­age !

De même, avec les possibilit­és offertes par les technologi­es de l’informatio­n, pourquoi ne pas regrouper davantage les apprenants selon leur profession, leur domaine

Un immigrant diplômé en pharmacie se doit-il d’apprendre, tel un élève, le nom des animaux de la ferme ? N’est-il pas plus important qu’il apprenne le nom des principes actifs des médicament­s ?

d’emploi ? Mêler dans une même classe dentistes, technicien­s en bâtiment et informatic­iens limite les possibilit­és d’un enseignant. Alors qu’au contraire, regrouper les apprenants par domaine permettrai­t de développer des programmes abordant à la fois vocabulair­e d’un domaine d’activité et francisati­on.

Une offre de francisati­on spécialisé­e, où les profession­nels d’un même domaine se retrouvera­ient en minigroupe­s pour se franciser et pratiquer le vocabulair­e de leur domaine, est possible. Sans aucune aide financière ni aucun référencem­ent du gouverneme­nt, nous avons commencé à le faire et obtenu la confiance de très nombreux profession­nels immigrants : infirmière­s, ingénieurs, comptables, courtiers, etc. Notre formule fonctionne et plaît. Pourtant, malgré les rencontres que nous avons eues, nous n’entrons pas dans les cases de financemen­t du MIFI : en effet, aucun financemen­t gouverneme­ntal n’est actuelleme­nt disponible pour la création de programmes de français.

En dehors du Programme d’intégratio­n linguistiq­ue pour les immigrants (PILI — offert par le MIFI et ses partenaire­s : cégeps, université­s, centres de formation profession­nelle et organismes communauta­ires), le financemen­t du MIFI ne soutient que les activités de promotion et de valorisati­on de la langue française. Aucun financemen­t n’existe pour augmenter ou diversifie­r l’offre pour des publics spécifique­s ou par des programmes innovants. Comme si l’innovation n’existait pas en enseigneme­nt des langues. Mais surtout, comme si les immigrants ne méritaient pas mieux.

Nous pensons que notre modèle est transposab­le à d’autres domaines de la société : lorsque nous avons commencé nos activités en 2013, 60 % des candidats échouaient à l’examen de l’Office québécois de la langue française, poussant ainsi trop de profession­nels à quitter le Québec ou à renoncer à leur projet profession­nel.

Nous rêvons d’un Montréal et d’un Québec où des initiative­s d’économie sociale comme la nôtre seraient soutenues et multipliée­s pour contribuer à faire du français la langue de travail des nouveaux arrivants.

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