Le Devoir

Joe Biden sonne la fin de la guerre en Afghanista­n

Le démocrate a promis mercredi qu’il ne transmettr­ait pas cette responsabi­lité à un cinquième président américain

- FRANCESCO FONTEMAGGI À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

« L’heure est venue de mettre fin à la plus longue guerre de l’Amérique » : le président Joe Biden a confirmé mercredi le retrait de toutes les troupes américaine­s d’Afghanista­n d’ici le 20e anniversai­re des attentats du 11 septembre 2001, qui avaient provoqué l’interventi­on des États-Unis.

Dans un discours solennel depuis la Maison-Blanche, M. Biden a souligné être « le quatrième président américain à gérer la présence militaire américaine en Afghanista­n ». Il a promis de ne pas transmettr­e « cette responsabi­lité à un cinquième », en jugeant vain d’attendre « de créer les conditions idéales pour un retrait ».

« Les États-Unis vont entamer leur retrait définitif le 1er mai », mais « ne partiront pas de manière précipitée », a poursuivi M. Biden, dont la décision avait été annoncée la veille par son équipe après des semaines de consultati­ons. « Les troupes américaine­s ainsi que les forces déployées par nos alliés de l’OTAN » auront « quitté l’Afghanista­n avant le 20e anniversai­re de ces attentats odieux du 11 Septembre », a-t-il ajouté.

Les pays membres de l’Alliance atlantique ont confirmé dans la foulée qu’ils commencera­ient « d’ici le 1er mai » un retrait « ordonné, coordonné et délibéré » des forces de la mission Resolute Support, qui implique en tout 9 600 militaires de 36 pays.

Joe Biden avait parlé, peu avant son discours, au téléphone au président afghan Ashraf Ghani, qui a dit « respecter » cette décision. Les forces afghanes « sont pleinement capables de défendre leur peuple et leur pays », a-t-il assuré dans un tweet.

Malgré les craintes croissante­s d’une victoire des talibans et du retour d’un avatar du régime fondamenta­liste qu’ils avaient imposé de 1996 à 2001 à Kaboul, Washington a décidé de quitter le pays « sans conditions ».

La menace talibane

Joe Biden repousse ainsi de moins de cinq mois la date butoir du 1er mai, prévue pour ce retrait total dans l’accord historique conclu en février 2020 par son prédécesse­ur Donald Trump avec les talibans.

« Si l’accord est violé et les forces étrangères ne quittent pas notre pays à la date prévue, il y aura sûrement des problèmes et ceux qui ne respectent pas l’accord seront tenus pour responsabl­es », a mis en garde mercredi le porteparol­e des talibans Zabihullah Mujahid.

La veille, les insurgés avaient prévenu qu’ils refuseraie­nt, « tant que toutes les forces étrangères n’auront pas achevé leur retrait », de participer à la conférence sur la paix en Afghanista­n que la Turquie, l’ONU et le Qatar doivent organiser du 24 avril au 4 mai à Istanbul.

La Russie a d’ailleurs dit redouter une « escalade » qui « pourrait saper les efforts » de paix. Certains alliés des États-Unis ont aussi exprimé leurs réserves sur l’annonce américaine qui, selon la Belgique, risque de « diminuer la pression sur les talibans ».

Malgré l’accord américano-taliban de 2020, la violence demeure à un niveau très élevé entre les insurgés et les forces afghanes. Le renseignem­ent américain a estimé, dans un rapport paru mardi, que les autorités de Kaboul allaient « peiner à résister » en cas de départ de la coalition internatio­nale.

Joe Biden a mis en garde les talibans mercredi contre toute attaque au moment du retrait. « Nous continuero­ns à soutenir le gouverneme­nt afghan », mais « nous n’allons pas rester engagés militairem­ent en Afghanista­n », a-t-il fait valoir, prévenant qu’il les tiendrait pour « responsabl­es » s’ils devaient le trahir.

Le démocrate a aussi appelé les autres acteurs régionaux, mais surtout le Pakistan, parrain historique des talibans, à faire « davantage » pour soutenir le pays voisin.

Objectif « rempli »

La classe politique américaine était divisée quant à l’annonce du retrait, qui ne prévoit même plus le petit contingent contre-terroriste dont le président Biden avait initialeme­nt envisagé le maintien.

La plupart des démocrates, mais aussi plusieurs ténors trumpistes, ont salué le rapatrieme­nt tant attendu des soldats. Mais d’autres, dans les deux camps, ont déploré un départ « prématuré » .

« Retirer nos forces d’Afghanista­n d’ici le 11 septembre ne fera qu’enhardir les djihadiste­s qui ont attaqué notre pays 20 ans plus tôt », a protesté la députée républicai­ne Liz Cheney.

Les États-Unis sont intervenus en Afghanista­n il y a près de 20 ans, dans la foulée des attentats contre les tours jumelles du World Trade Center à New York et contre le Pentagone. Ils ont chassé du pouvoir à Kaboul les talibans, accusés d’avoir accueilli Oussama ben Laden et sa nébuleuse djihadiste al-Qaïda responsabl­e des attentats, mais se sont ensuite enlisés dans le pays instable.

Retirer nos forces d’Afghanista­n d’ici le 11 septembre ne fera qu’enhardir les djihadiste­s qui ont attaqué notre pays » 20 ans plus tôt

LIZ CHENEY

Si l’accord est violé et les forces étrangères ne quittent pas notre pays à la date prévue, il y aura sûrement des problèmes et ceux qui ne respectent pas l’accord seront tenus pour » responsabl­es

ZABIHULLAH MUJAHID

Newspapers in French

Newspapers from Canada