Taux de vaccination inquiétants à l’école
Certains établissements secondaires affichent des taux en deçà de 25 %
À un mois de la rentrée scolaire, environ 30 000 élèves montréalais n’ont toujours pas reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19. Le Devoir a appris que dans une quinzaine d’écoles secondaires de Montréal, moins de 40 % des jeunes étaient vaccinés en date du 19 juillet. Parmi ces établissements, six affichaient un taux de vaccination inférieur à 25 %, selon un document interne des autorités, obtenu par le journal.
C’est l’école communautaire Belz (campus Jeanne-Mance, section anglaise) qui détient le pire score. Dans cet établissement juif ultra-orthodoxe, 6,6 % des 204 élèves avaient reçu une première injection du vaccin, en date du 19 juillet, indique le document. Ce taux de vaccination s’élève à 12,8 % à l’École première Mesifta du Canada, également de confession juive ultraorthodoxe. Il grimpe à 16,7 % à l’Académie Yéchiva Yavné, une école juive orthodoxe.
Les établissements scolaires de confession juive sont toutefois loin d’être tous dans la même situation. Les Écoles juives populaires et les Écoles Peretz (section anglaise) figurent dans le palmarès des premiers de classe à Montréal, avec un taux de vaccination de 92 % (voir encadré). Au campus Adams des écoles Azrieli Talmud Torah — Herzliah (section anglaise), le taux de vaccination est de 87,2 %.
La couverture vaccinale varie grandement d’une école à l’autre sur l’île de Montréal, selon le document interne obtenu, qui recense la proportion d’élèves vaccinés dans chacun des établissements montréalais.
À l’Académie adventiste Greaves (campus de Montréal), 23,1 % des élèves avaient obtenu une première dose du vaccin en date du 19 juillet. Ce chiffre atteint 29 % à l’école Amos dans Montréal-Nord, qui accueille 490 élèves, âgés de 16 à 20 ans.
L’école Antoine-de-Saint-Exupéry, située à Saint-Léonard, fait mieux avec près de 46 % des 2880 élèves vaccinés une première fois. À l’école secondaire HenriBourassa, un peu plus de la moitié des 2200 jeunes ont reçu une première injection. Dans l’ensemble du territoire, le taux de vaccination moyen des écoles montréalaises s’établissait à 70,8 % le 19 juillet.
Selon la directrice régionale de santé publique de Montréal, la couverture vaccinale des élèves dans les écoles reflète celle des parents dans les quartiers. « On le sait qu’il y a plus d’hésitations vaccinales dans certaines communautés culturelles et aussi [qu’il y areun] lien avec la défavorisation, dit la D Mylène Drouin. C’est bien démontré. »
Mesures incitatives
Pour convaincre les jeunes de se faire vacciner, la Santé publique de Montréal a entrepris la semaine dernière une opération téléphonique d’envergure : contacter les 30 000 élèves du secondaire qui n’ont pas encore reçu de vaccin. « On les appelle un par un pour travailler avec eux, les amener à prendre un rendez-vous, les diriger vers les cliniques et essayer de comprendre quelles sont les résistances derrière tout ça », explique la Dre Mylène Drouin.
Jusqu’à présent, 2000 élèves ont été rejoints, indique la médecin. « C’est à peu près 30 % d’entre eux qui ont l’intention ferme, à l’issue de l’appel, d’aller se faire vacciner, précise la Dre Mylène Drouin. Il y a à peu près un 15 % de refus systématique. »
Afin d’immuniser davantage d’adolescents, la Santé publique de Montréal ouvrira pendant deux jours cette fin de semaine une clinique de vaccination éphémère sur le site de La Ronde.
Quant aux écoles confessionnelles, la Dre Mylène Drouin compte les convaincre par « une approche familiale », notamment dans les lieux de culte. « Dès le retour des responsables de ces écoles, privées ou publiques, on va évidemment être en lien pour voir avec eux s’il y a d’autres stratégies [à adopter] à travers l’école. » Des cliniques de rattrapage pourraient notamment être mises en place.
De son côté, le Conseil des juifs hassidiques du Québec indique qu’il a incité ses membres à se faire vacciner contre la COVID-19, par l’intermédiaire de sa page Facebook. « Il n’y a rien dans la posture des juifs orthodoxes
qui s’oppose à la vaccination des enfants ou des adultes, assure son porteparole Alain Picard. Il y a des gens qui ne veulent pas [être vaccinés] comme dans n’importe quel groupe. »
Le Conseil des juifs hassidiques du Québec rappelle que beaucoup de jeunes vont dans des camps durant l’été dans les Laurentides. « Des discussions sont en cours avec les autorités de santé publique pour voir ce qui pourrait être fait pour les rejoindre là où ils sont et pour leur offrir le vaccin », dit Alain Picard.
Le taux de vaccination de 6,6 % attribué à l’école communautaire Belz (campus Jeanne-Mance, section anglaise) est erroné, selon le Conseil des juifs hassidiques du Québec, qui la représente. La direction de l’établissement soutient qu’il y a trois semaines, deux classes ont été vaccinées dans les Laurentides. L’école accueille quelque 200 élèves, indique le document interne obtenu par Le Devoir.
Inquiétude dans le milieu scolaire
La présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES) s’inquiète des disparités entre les écoles sur l’île de Montréal. « Quand on regarde le taux de vaccination moyen, ça semble bien aller, dit Kathleen Legault. Mais on sait bien que derrière, il y a des disparités importantes. La question qu’on se pose, c’est si les plus faibles taux de vaccination vont compromettre la rentrée scolaire normale dans certains milieux ? »
Kathleen Legault déplore les « ratés dans la vaccination scolaire » à Montréal en juin dernier. Elle craint les conséquences pour les élèves de milieux vulnérables. « On comprend bien que s’il y a un plus faible taux de vaccination chez les élèves et leurs parents, il y aura peut-être plus d’éclosions, de mesures. Est-ce que les mesures sanitaires dans l’école seront plus strictes ? Est-ce qu’il y aura plus de journées à distance ? Ça nous préoccupe réellement. »
L’Alliance des professeures et professeurs de Montréal souligne que l’enseignement hybride et à distance alourdit la tâche des enseignants et qu’il est « moins efficace ». « On sait que, pour les élèves, ce n’est pas la meilleure chose », dit sa présidente Catherine Beauvais St-Pierre. Elle estime que les taux actuels sont « inquiétants pour la rentrée régulière ».
Le gouvernement a signalé que le taux de vaccination des 12 à 17 ans devait atteindre 75 % pour que le retour en classe soit « normal ». Actuellement, 19 % des élèves montréalais sont adéquatement vaccinés, c’est-à-dire qu’ils ont reçu deux doses ou en ont reçu une seule, mais ont été infectés par la COVID-19.
La Dre Mylène Drouin surveille de près le variant Delta (originaire de l’Inde). « On parle beaucoup du 75 %, mais en réalité, avec le variant Delta, si on veut vraiment une couverture intéressante pour éviter des éclosions importantes, c’est plus autour de 8385 % qu’on devrait viser », dit-elle.