Une cérémonie tout en sobriété pour Mary Simon
La nouvelle gouverneure générale a été assermentée lundi
« Oui, je le jure. » Mary Simon a lu ces quelques mots de français inscrits sur un carton, lundi, pour devenir officiellement la nouvelle représentante de la reine au Canada lors d’une sobre cérémonie d’installation à Ottawa.
Le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, lui demandait de manière protocolaire si elle jurait « fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la reine Élisabeth II et ses héritiers ». « Que Dieu vous soit en aide », a-t-il conclu selon la formule établie.
Mary Simon est entrée en fonction après la lecture de déclarations témoignant de la confiance de la reine, la cheffe d’État du Canada, envers sa nouvelle représentante. Vingt et un coups de canon ont pu être entendus des jardins de Rideau Hall, sa nouvelle résidence officielle.
« Je suis honorée, et c’est avec humilité que je suis prête à devenir la première gouverneure générale autochtone du Canada », a déclaré Mary Simon dans un discours tenu principalement en anglais, mais aussi en inuktitut, et ponctué de courts passages en français. « Parfois c’est difficile de prononcer, mais j’apprends », a-t-elle laissé tomber après une phrase lue dans la langue de Molière.
Mary Simon a abordé plusieurs thèmes qui lui sont chers, comme l’importance de l’Arctique, la protection de la nature et la réconciliation entre Autochtones et non-Autochtones. Elle a aussi parlé de sa propre identité biculturelle, elle qui est née d’une mère inuite et d’un père venu du Sud dont la langue, l’anglais, lui a « ouvert les portes du reste du monde ».
Protocole pandémique
Quelques minutes auparavant, Mary Simon avait été accueillie devant l’édifice du Sénat par le premier ministre Justin Trudeau et un groupe de musiciens issus des Premières Nations, les Ottawa River Singers. Seule une poignée de dignitaires — ministres, députés, juges, sénateurs — ont pu assister à la célébration, en raison de la pandémie de COVID-19.
L’événement a été ponctué de discours, signatures de documents et autres protocoles royaux, entrecoupés de performances artistiques, comme celle de la chanteuse inuite québécoise Elisapie. Une lampe à l’huile traditionnelle inuite, une qulliq, a été allumée au Sénat pour représenter « la responsabilité profonde et personnelle » qui incombe à Mary Simon à partir d’aujourd’hui.
Même si la situation sanitaire à Ottawa est maîtrisée, avec seulement un nouveau cas de COVID-19 déclaré dimanche, le bureau de la gouverneure générale avait demandé au public de suivre la cérémonie à distance. C’est ce qu’ont dû faire des membres de la famille de Mary Simon et d’autres invités triés sur le volet installés dans une salle à Rideau Hall, devant un écran, alors que l’essentiel de la cérémonie se déroulait à l’édifice du temporaire Sénat.
Dans son discours, le premier ministre Justin Trudeau a souligné à Mary Simon son « honneur » d’être présent lors de ce moment historique.
Le chef du gouvernement a présenté Mme Simon comme une « porte-parole courageuse qui a lutté pour les droits des personnes autochtones », conforme à sa vision du Canada qui célèbre la diversité et l’inclusion. « Un endroit où tout le monde est respecté et chacun peut s’épanouir, c’est à notre portée grâce à des chefs de file comme Mme Simon. »
La question du français
Dès son annonce le 6 juillet dernier, la nomination de Mary Simon au poste de gouverneure générale a suscité tant de l’enthousiasme de la part des Premiers Peuples que des critiques de la part des défenseurs du français au Canada.
Née au Nunavik, dans le nord du Québec, la nouvelle représentante de la Couronne ne parle pas français, ayant été scolarisée dans la langue de Shakespeare, comme c’était la norme à l’époque. La femme de 73 ans, qui peut s’exprimer en inuktitut et en anglais, a réitéré lundi sa promesse d’apprendre l’autre langue officielle du Canada en cours de mandat.
Sa nomination a provoqué un raz-demarée de plaintes — 1051 en date de lundi — auprès du Commissariat aux langues officielles du Canada. Celui-ci a d’ailleurs formellement lancé une enquête qui examinera le travail du Bureau du Conseil privé, le ministère du premier ministre, dans le dossier de la nomination de Mary Simon. Le commissaire Raymond Théberge a déjà insisté sur le fait que « l’inclusion et le respect des deux langues officielles ne sont pas des notions mutuellement exclusives ».
La précédente gouverneure générale, Julie Payette, a démissionné en janvier à la suite de la publication d’un rapport dévastateur faisant état d’un climat de travail toxique à Rideau Hall.
Je suis honorée, et c’est avec humilité que je suis prête à devenir la première gouverneure générale autochtone du Canada
MARY SIMON